Alexis Tsipras à Athènes, le 21 août. / EUROKINISSI / REUTERS

« L’Odyssée moderne que notre pays a traversée depuis 2010 a pris fin », a déclaré mardi 21 août le premier ministre grec, Alexis Tsipras, devant la baie d’Ithaque, l’île d’Ulysse qui, après un tumultueux périple de dix ans, est arrivé à bon port. La veille, lundi, le troisième et dernier plan d’aide européen, signé en 2015 à la suite de négociations tendues entre Athènes et ses créanciers, a pris officiellement fin.

Le président du Conseil européen, Donald Tusk, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, le commissaire européen aux affaires économiques, Pierre Moscovici, la chancelière allemande, Angela Merkel, et le président français, Emmanuel Macron, se réjouissaient la veille de cette sortie des programmes dont le montant total s’est élevé à 289 milliards d’euros depuis 2010. Alexis Tsipras, lui, n’est sorti de son silence que mardi avec une allocation télévisée de dix minutes. Le premier ministre a souligné qu’il s’agissait d’un « jour historique, celui de la fin des politiques d’austérité et de la récession ».

Mais l’heure n’était pas vraiment à la célébration. Les Grecs, après huit années de sacrifices, voient d’un mauvais œil les partenaires européens se féliciter de la fin des plans d’aide. « Ils veulent nous faire croire que la crise est finie, que nous devons nous réjouir d’avoir vu notre pouvoir d’achat diminuer, d’avoir vu nos enfants s’exiler ! », s’exclame exaspéré Kostas, kiosquier au centre d’Athènes. « La croissance, je ne la ressens pas au quotidien, je peine toujours autant à payer mes factures à la fin du mois ! », ajoute le quinquagénaire dont les deux fils sont partis travailler au Royaume-Uni.

« La démocratie a été menacée »

Dans un discours métaphorique où le navire « Grèce » a dû affronter de nombreux orages, Alexis Tsipras a constaté les effets néfastes de la rigueur imposée par les créanciers du pays : « En cinq ans sont survenus des événements sans précédent : 25 % du PIB a été perdu, trois Grecs sur dix se sont retrouvés au chômage, des mesures d’austérité d’une hauteur de 65 milliards d’euros ont été prises (…) La démocratie a été menacée », tout en assurant qu’une « nouvelle époque » s’ouvrait en Grèce.

Ce dernier point est difficile à croire pour la majorité des Grecs. « Le gouvernement voulait capitaliser sur la sortie des plans d’aide mais les citoyens grecs ne perçoivent pas la fin de la crise, ils continuent au quotidien à subir toutes les mesures d’austérité prises ces dernières années et ils ne sont plus dupes des promesses de la classe politique, estime Manos Papazoglou, professeur de sciences politiques à l’université du Péloponnèse. Des allocations distribuées à certaines catégories ne résoudront pas les problèmes, toute la société a été touchée par la crise ! S’il n’y a pas un plan précis pour soutenir la relance et résoudre la question de la dette colossale du pays, la population n’aura aucun espoir d’un avenir serein. » La dette de la Grèce représente toujours 180 % de son produit intérieur brut.

Les incendies à Mati, qui ont fait au moins 97 morts mi-juillet, ont écorné un peu plus l’image du gouvernement d’Alexis Tsipras, perçu comme incapable de gérer une situation d’urgence, et dont les administrations locales semblent désorganisées. « Finalement, les Grecs ont, malgré les réformes et les mesures d’austérité, toujours la sensation que l’Etat est inefficace et inexistant », note Manos Papazoglou. D’après les derniers sondages, plus de dix points d’écart séparent Syriza, le parti du premier ministre, et la Nouvelle Démocratie (droite), qui fait la course en tête.

A environ un an des prochaines élections, prévues à l’automne 2019 et précédées par les européennes de mai, Alexis Tsipras a peu de temps pour convaincre les électeurs. Le ministre adjoint à la réforme administrative, Christos Vernardakis, a annoncé mardi que dès septembre des lois seront présentées au Parlement pour l’augmentation du salaire minimum et le retour des conventions collectives. Mais l’essentiel du nouveau programme du premier ministre sera dévoilé à la Foire internationale de Thessalonique début septembre.

Selon le politologue Georges Sefertzis, « Alexis Tsipras se retrouvera face à un nouveau dilemme : soit prendre des mesures sociales mais qui risquent de déplaire aux marchés internationaux, soit aller dans leur sens et démontrer ainsi que la fin des mémorandums n’est que symbolique ». « Ithaque n’est que le commencement », a lancé mardi Alexis Tsipras.