Le prêtre Pierre Vignon dans son église de Saint-Martin-en-Vercors (Drôme), le 22 août 2018. / JEAN-PIERRE CLATOT / AFP

Dans sa lettre au « peuple de Dieu » publiée lundi 20 août, le pape François affirme que, pour parvenir à éradiquer les violences sexuelles en son sein, l’Eglise catholique doit entreprendre une « transformation ». Pour que celle-ci réussisse, elle doit impliquer tous les catholiques.

Aussi demande-t-il au 1,3 milliard de baptisés de prendre leur part dans cette mutation en profondeur et dans la lutte contre les abus. « Il en appelle à tous les catholiques pour qu’ils n’entrent pas dans la conspiration du silence » qui, « de fait, a trop duré au sein de l’Eglise pour cacher les affaires de pédophilie », a résumé, mercredi 22 août, le secrétaire général de la Conférence des évêques de France, Olivier Ribadeau Dumas, sur France Inter.

Un prêtre de la Drôme, Pierre Vignon, a choisi une façon particulière d’appliquer cette consigne. Cet ecclésiastique apporte depuis des années son soutien au combat des victimes du père Bernard Preynat, un prêtre de la région lyonnaise accusé d’avoir agressé sexuellement des dizaines de très jeunes scouts dont il était l’aumônier jusqu’en 1990. Il a lancé une pétition (signée jeudi matin par plus de 44 300 personnes) pour demander la démission du cardinal Philippe Barbarin. L’archevêque de Lyon, nommé à ce poste en 2002, bien après les faits, est accusé par certaines de ces victimes d’avoir laissé le curé en fonctions, et donc au contact d’enfants, tout en ayant eu connaissance de ses actes passés. « L’appel du pape est clair. Le peuple de Dieu doit réagir et je suis donc dans mon droit de l’appeler à le faire. C’est une question d’honneur », écrit le père Vignon dans une lettre ouverte au prélat, avant de lui demander de « prendre enfin [ses] responsabilités » et d’appeler ses confrères à signer la pétition.

L’association La Parole libérée, créée en décembre 2015 par des victimes du père Preynat pour parvenir à faire sortir cette affaire au grand jour, s’est associée à cette initiative. « En trois ans de combat, témoigne son président, François Devaux, on compte sur les doigts d’une main les prêtres qui ont soutenu publiquement notre action. Pour l’Eglise, c’est trop facile de se reposer uniquement sur l’action des victimes et de ne rien dire. Nous, nous avons brisé une omerta. Maintenant, c’est à elle d’agir si elle veut retrouver sa crédibilité. »

Procédure judiciaire

Après le classement sans suite d’une première enquête par le parquet de Lyon, La Parole libérée a, avec plusieurs victimes, déclenché une nouvelle procédure judiciaire en formulant contre le cardinal Barbarin une citation directe. Initialement prévue en avril, l’audience a été reportée une première fois, car des citations à comparaître concernant des hauts responsables de la curie romaine n’ont pas été transmises dans les temps au Vatican. Le 3 septembre, une audience devra fixer une nouvelle date. En attendant, le cardinal Barbarin a « suspendu » le procès canonique – une procédure juridique interne à l’Eglise – contre Bernard Preynat, ouvert à la demande de victimes.

D’autres initiatives pointent, en France comme à l’étranger. Un réseau de chrétiens qui militent pour des réformes dans l’Eglise, la Conférence des baptisés, a demandé, mercredi, « l’ouverture d’assises sur la gouvernance de l’Eglise de France » et une place plus grande pour les laïcs, ainsi qu’une réflexion sur « le célibat obligatoire, l’absence de femmes dans les instances de décisions » ou encore la concentration des décisions « dans les mains d’une petite caste de personnes qui se protègent les unes et les autres en toute impunité ». Aux Etats-Unis, quelque 3 000 laïcs, théologiens et éducateurs ont appelé à une démission collective des évêques américains après la publication du rapport sur les violences sexuelles commises sur des enfants en Pennsylvanie.