La ministre des affaires étrangères suédoise, Margot Wallstrom. / TT NEWS AGENCY / REUTERS

Le gouvernement suédois a publié, jeudi 23 août, un livret pour partager avec des ONG et des chancelleries du monde entier les leçons de sa politique étrangère, articulée depuis 2014 autour du droit des femmes.

Lancée dans la foulée des législatives de septembre 2014 par le gouvernement de centre gauche — le premier à atteindre la parité hommes-femmes —, la diplomatie féministe vise à « promouvoir l’égalité entre les sexes » et à garantir « à toutes les femmes et filles la jouissance de leurs droits fondamentaux ».

Emancipation économique, lutte contre les violences sexuelles, influence dans les processus de paix, participation politique : sur le terrain ou dans l’arène internationale, à Bruxelles et à New York, la diplomatie du pays scandinave actionne tous les leviers.

Le gouvernement en a publié un résumé, jeudi 23 août, dans un livret d’une centaine de pages, disponible en anglais sur le site du gouvernement. Ses principes et méthodes y sont listés : assurer la parité hommes-femmes dans les conférences, investir les réseaux sociaux, mobiliser ressources humaines et financières, mettre les compétences en réseau, etc.

« Quand nous avons lancé la diplomatie féministe, il y a quatre ans, les réactions étaient mitigées. On a entendu quelques moqueries dans les premiers jours, et ici et là une opposition assumée », dit Margot Wallström.

« On nous disait : Ce ne sont que des mots.C’est à cela que sert » le manuel, justifie la ministre sociale-démocrate, récipiendaire l’an dernier du prix Agent for Change des Nations unies pour son action en faveur des femmes.

A la page 43, un graphique atteste de la montée en puissance des femmes dans la diplomatie suédoise : en 2016, quatre ambassadeurs sur dix étaient des ambassadrices, contre 10 % seulement vingt ans plus tôt.

Changer les normes

Les résultats concrets de la diplomatie féministe sont pourtant difficiles à mesurer. L’objectif, plaide ses architectes, est de changer de paradigme, et cela prend du temps.

« Il est un peu tôt » pour tirer des conclusions, observe Robert Egnell, professeur à l’Ecole supérieure des études militaires de Stockholm.

« Il est impossible de dire si cette politique a permis de réduire le nombre de femmes mourant en couches en Afrique ou de bénéficier à d’autres populations », mais « sa résonance a été énorme à l’étranger », et « tout le monde connaît désormais la politique étrangère suédoise », dit-il.

Pour ses détracteurs, la diplomatie féministe n’échappe pas aux contraintes de la realpolitik : ils rappellent que la Suède ne s’est pas opposée — elle s’est abstenue — à l’entrée de l’Arabie saoudite dans la commission de la condition des femmes des Nations unies (CSW) en avril 2017.

Les relations avec la pétromonarchie s’étaient brusquement dégradées deux ans plus tôt après un discours au vitriol de Mme Wallström devant son Parlement. Riyad avait rappelé le mois suivant son ambassadeur, vite réinstallé après une visite d’un émissaire du gouvernement suédois et du roi Carl XVI Gustaf.

Pour Robert Egnell, la réaction de l’Arabie saoudite, fréquemment critiquée pour les mêmes raisons, était « disproportionnée ». « Quand ces critiques viennent d’une femme, elles ont une autre portée symbolique et suscitent de vives répliques. »