Dans une morgue d’Hodeïda, au Yémen, le 2 août. / ABDO HYDER / AFP

Un bombardement a fait des morts civils à une vingtaine de kilomètres au sud de la ville portuaire d’Hodeïda, au Yémen, jeudi 23 août. La zone est disputée entre les rebelles houthistes, qui tiennent Hodeïda, le principal port du pays, et les forces de la coalition saoudienne qui leur mènent la guerre depuis mars 2015. La coalition s’est approchée d’Hodeïda en juin, menaçant de prendre la ville d’assaut. Elle a depuis mis en pause cette opération, mais des bombardements et des accrochages ont toujours lieu.

Selon les rebelles, 31 personnes, dont des femmes et des enfants, ont été tuées dans une frappe aérienne de la coalition contre un bus emmenant des personnes déplacées par le conflit et un bâtiment attenant. L’agence WAM des Emirats arabes unis, un pilier de la coalition, incrimine de son côté les rebelles, qui auraient tiré un missile « balistique » fourni par leur allié iranien. Le 9 août, 40 enfants et 11 adultes avaient été tués par une frappe de la coalition contre le bus qui les emmenait en excursion dans la province de Saada, le fief des rebelles.

Cette frappe a lieu alors que Human Rights Watch publie un rapport d’experts, qui met en cause les « enquêtes » internes, partiales et défaillantes, que la coalition conduit après chaque bombardement de cibles civiles depuis 2016. Ces enquêtes tendent à l’exonérer de toute responsabilité, ou à déguiser des bombardements manifestement intentionnels en « erreurs » dues à des défaillances techniques.

« Aucune puissance ne souhaite
jouer le rôle de médiateur »

« Pendant plus de deux ans, alors que la coalition affirmait que le JIAT [l’Equipe d’évaluation conjointe] enquêtait de manière crédible sur des frappes aériennes supposément illégales, les enquêteurs ne faisaient que dissimuler des crimes de guerre, a affirmé Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. Les gouvernements qui vendent des armes à l’Arabie saoudite devraient reconnaître que les simulacres d’enquêtes de la coalition ne les exonèrent nullement de complicité dans des violations graves au Yémen. »

L’organisation note que les rebelles houthistes n’ont quant à eux jamais prétendu enquêter sur les crimes de guerre dont ils se sont rendus coupables depuis 2015.

Une rencontre est prévue début septembre à Genève entre les belligérants, sous l’égide de l’ONU, afin de préparer des négociations de paix, les premières depuis deux ans. Le nouveau représentant des Nations unies pour le Yémen, Martin Griffiths, espère y faire émerger un compromis, afin que les rebelles abandonnent la gestion du port d’Hodeïda, qui représenterait environ un tiers de leurs revenus. Un tel accord pourrait être le début d’une résolution du conflit, mais il paraît bien loin.

M. Griffiths « ne semble pas avoir un soutien international suffisant pour régler le conflit, qui dépasse de loin le Yémen. Cette guerre est devenue régionale et internationale. Aucune puissance ne souhaite y jouer le rôle de médiateur », estime Farea Al-Muslimi, président du Sanaa Center for Strategic Studies, un institut indépendant basé dans la capitale yéménite.

Yémen : comment expliquer que le conflit soit si peu médiatisé ?
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