Nous sommes en train de vivre la fin de la domination américaine sur le Net, annonce le magazine Foreign Affairs dans son numéro daté septembre-octobre. La revue de référence consacrée aux relations internationales et publiée par le think tank américain Council on Foreign Relations (CFR) analyse en détail la lutte qui se mène actuellement pour l’Internet du futur. C’est en Asie, « que [son] avenir est le plus susceptible d’être écrit », souligne-t-il. Les deux premiers marchés se trouvent en effet sur ce continent : la Chine avec près de 780 millions d’internautes et l’Inde avec plus de 480 millions.

Bien évidemment, c’est aujourd’hui la Chine qui apparaît comme la cyberpuissance capable d’imposer sa loi. Non seulement la deuxième puissance économique mondiale conteste le monopole des géants américains de la Silicon Valley, en favorisant des champions nationaux – comme Baidu, Alibaba et Tencent –, mais elle revendique un autre modèle de gouvernance, moins décentralisé, plus autoritaire, plus impérieux dans sa volonté de contrôler le Net.

Pourtant hors les Etats-Unis et la Chine, d’autres voies sont explorées. En Inde, par exemple, les réseaux sont considérés comme des biens communs, explique l’entrepreneur indien Nandan Nilekani, et la mise en place d’un immense fichier biométrique a permis de lutter contre la corruption. En Europe, la protection des données individuelles a été érigée en priorité politique face à la toute-puissance des Facebook et Google, souligne Helen Dixon, commissaire chargée de la protection des données en Irlande.

Avec une Chine plus puissante cependant, tout laisse penser que « l’Internet sera moins global et moins ouvert. Une grande partie proposera des applications chinoises sur du matériel fabriqué en Chine. Et Pékin récoltera les bénéfices dans les domaines de l’économie, de la diplomatie, de la sécurité nationale et des renseignements, qui autrefois profitaient à Washington », s’inquiète l’expert américain en cybersécurité Adam Segal. L’utopie des pionniers, celle du World Wide Web, a laissé la place au « World War Web ».

« Foreign Affairs », septembre/octobre 2018.