Bosco Ntaganda, le 2 septembre 2015, à La Haye. / MICHAEL KOOREN / AFP

La ville de Bunia, en République démocratique du Congo (RDC), ne sera pas le théâtre de l’ultime épisode de l’affaire Ntaganda. Les juges de la Cour pénale internationale (CPI) avaient un temps envisagé de quitter La Haye, aux Pays-Bas, pour siéger quelques jours dans le chef-lieu de l’Ituri, mais ils ont renoncé, inquiets de « la situation en matière de sécurité ». Cette région minière, dans l’est de la RDC, est depuis 1999 la scène de conflits plus ou moins intenses conduits par des milices pilotées par l’Ouganda, le Rwanda et Kinshasa sur fond de conflits ethniques.

C’est donc loin des anciens comparses miliciens de Bosco Ntaganda, 45 ans, et loin des victimes de meurtres, de viols, de pillages et de conscription forcée, que le procureur prononcera, du mardi 28 au jeudi 30 août, son réquisitoire. Il sera suivi des plaidoiries des victimes et de la défense.

Massacres, viols et pillages

Jugé depuis septembre 2015, Bosco Ntaganda rejette les accusations de crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis en 2002 et 2003, soit quelques mois seulement d’une longue carrière de milicien débutée à l’adolescence et stoppée en mars 2013 lorsque, lâché par Kigali qui a longtemps parrainé ses faits d’armes, il s’est rendu à l’ambassade des Etats-Unis pour être livré à la justice de La Haye. Ses combats les plus récents au sein du M23, une milice formée d’officiers congolais mutins, ne figurent pas dans les accusations du procureur, même si les Nations unies avaient dénoncé l’implication du pouvoir rwandais.

Poursuivi pour ses actes en qualité de commandant en second de l’armée de l’Union des patriotes congolais (UPC), Bosco Ntaganda aurait alors eu pour but de s’emparer de l’Ituri et de ses sous-sols riches en or, diamant et coltan, mais le volet public du procès en dit peu sur l’enrichissement présumé de M. Ntaganda et de ses réseaux. Seuls deux témoins ont déposé à visage découvert, et de nombreuses audiences se sont déroulées à huis clos.

Au total, 71 témoins sont venus décrire l’horreur. Un homme a raconté le massacre de 50 personnes dans la bananeraie de Kobu, la découverte des corps décapités de sa femme, son fils et ses filles. D’autres ont décrit la tuerie de l’église de Sayo, où des femmes, des vieillards et des enfants ont été massacrés à l’arme blanche avant d’être jetés dans une fosse. Certains ont évoqué le pillage de Mongbwalu, ville minière devenue la base de l’accusé. « La région de l’Ituri où il y a le plus d’or », racontera à la barre un témoin des trafics du chef milicien, qui aurait motivé ses combattants à coup de promesses : de l’argent, des matelas, de la nourriture et des femmes. D’autres témoins, enfin, sont venus dire les viols des jeunes recrues enrôlées de force. Face aux juges, un ex-milicien a ainsi avoué avoir abusé de fillettes, Mave et Francine. « Je savais que ça ne pouvait pas être consenti, vu leur âge et leur taille », reconnaîtra-t-il.

Surnommé « Terminator »

Pour sa défense, Bosco Ntaganda n’a appelé que 19 témoins (dont lui-même) sur les 113 annoncés par son avocat. Pendant six semaines, le milicien d’origine rwandaise a tenté de donner à sa cause un ton « révolutionnaire », de faire de son autoportrait l’histoire d’un « maquisard ». A l’en croire, le génocide de 1994 au Rwanda serait le fil rouge qui aurait motivé tous ses combats.

Mais, ajoutées aux récits des témoins et aux expertises, l’allure et l’expression austères du milicien n’ont pas permis d’oublier son surnom de « Terminator ». Ses yeux noirs, glaçants, ronds comme des calots sans couleur, n’ont pas aidé à donner l’image d’un officier chevronné respectueux des lois de la guerre et des civils. En bon soldat, néanmoins, il n’a rien livré de la géopolitique des guerres de l’Est congolais, et notamment des soutiens du Rwanda, où résident ses sept enfants.

En 2016, Bosco Ntaganda avait boycotté son procès et entamé une grève de la faim pour obtenir leur venue à La Haye. Les Etats membres de la CPI refusent de payer la facture des visites familiales aux détenus, et la Cour avait dû en outre obtenir des passeports pour la fratrie. Bosco Ntaganda devrait s’exprimer une dernière fois dans son procès jeudi. Les juges entameront ensuite leur délibéré. Il risque jusqu’à trente ans de prison.