Emmanuel Macron, lors de son discours devanrt les ambasadeurs français, à l’Elysée le 27 août. / PHILIPPE WOJAZER/AFP

Editorial. Dans les derniers mots de son discours d’une heure et demie prononcé le 27 août devant les ambassadeurs français, Emmanuel Macron a cité Soljenitsyne qui, il y a quarante ans, dans une conférence à Harvard, évoquait le « déclin du courage » et la fragilité de l’Occident.

Cette gravité de ton contrastait avec le volontarisme enthousiaste d’août 2017, pour ce même rendez-vous annuel de la diplomatie française, où le président à peine élu, incarnant l’espoir d’un grand retour de la France sur la scène internationale, semblait destiné à devenir figure de référence naturelle d’un monde euro-atlantique déboussolé par l’imprévisibilité de Donald Trump, l’affaiblissement d’Angela Merkel et celui de Theresa May, engluée dans le Brexit. Ce qui était son atout est devenu son handicap. Emmanuel Macron semble toujours plus seul pour porter le « renforcement de l’ordre mondial » qu’il appelle de ses vœux et sa priorité européenne avec une « refondation de l’Union ».

La crise du multilatéralisme, le choix de Donald Trump de se détourner du système des relations internationales construit après 1945 et la montée des nationalismes créent des défis inédits. Ebranlée par les doutes des peuples sur le projet communautaire, menacée par la montée des tensions au Moyen-Orient comme au Sahel, l’Europe est au cœur de cette crise, même si elle en incarne aussi la possible solution. C’est le pari d’Emmanuel Macron.

Les « forces progressistes et celles du repli »

« Ce combat européen ne fait que commencer, il sera long et difficile et il sera au cœur de l’action de la France tout au long de mon mandat », a martelé le président devant les ambassadeurs. Ce combat est celui qui, en Europe, peut-être encore plus qu’ailleurs dans le monde, oppose les « forces progressistes et celles du repli ».

A neuf mois des élections européennes, Emmanuel Macron espère cristalliser les suffrages de tous ceux qui, en France, refusent la vision d’un Viktor Orban ou d’un Matteo Salvini. Il les épingle dans son discours, même s’il reconnaît que de tels mouvements sont nés de l’affadissement du rêve européen et de la sous-estimation « de l’identité profonde des peuples et de leur imaginaire collectif ». Le chef de l’Etat espère recomposer les alliances politiques à l’échelle européenne, comme il l’avait fait dans le champ politique national.

Il faut reconnaître à M. Macron une véritable vision de l’Europe qu’il a longuement réaffirmée lundi, notamment dans la dernière partie de son discours, où le ton s’est fait vibrant et plus personnel, rompant avec ce que cet exercice du discours annuel aux ambassadeurs peut avoir de convenu dans la longue énumération des grands dossiers et des prochains rendez-vous de la diplomatie tricolore.

Son projet, déjà évoqué il y a un an lors de son discours à la Sorbonne, est une « vision humaniste de la mondialisation », portée par une Europe capable d’assumer pleinement sa souveraineté et son autonomie stratégique, qui doit compter toujours plus sur elle-même pour sa sécurité. La force d’Emmanuel Macron est le refus du renoncement. Il appelle ainsi à « revisiter les tabous européens », y compris par une révision des traités. Il veut affirmer la France comme « puissance médiatrice » – ce qui ne signifie pas pour autant moyenne. Au-delà des effets de tribune, le véritable défi est celui de concrétiser cette vision ambitieuse. Pour cela, il faut commencer par trouver des partenaires et, surtout, parvenir à les convaincre.