Saad Lamjarred en concert au festival de Carthage (Tunisie), le 31 juillet 2016. / FETHI BELAID / AFP

Saad Lamjarred, star marocaine de la pop music, placé en garde à vue à Saint-Tropez (Var) depuis dimanche, a été mis en examen mardi 28 août pour « viol », a fait savoir le parquet de Draguignan. Il avait été interpellé dimanche matin à la suite de la plainte d’une jeune femme, née en 1989, qui dénonce des faits commis dans un établissement de nuit de Saint-Tropez.

Le chanteur, dont les clips ont été regardés des millions de fois sur Internet, n’en est pas à sa première affaire d’agression sexuelle. Trois autres femmes ont déjà saisi la justice, aux Etats-Unis et en France, pour des accusations similaires.

  • Février 2010, une accusation de viol aux Etats-Unis

En février 2010, à New York, une jeune Américaine dépose plainte pour agression sexuelle. Arrêté et incarcéré le 17 mars 2010, Saad Lamjarred, qui est alors beaucoup moins connu qu’aujourd’hui, est libéré sous caution et quitte le territoire américain.

L’affaire est relancée lorsque la plaignante et son avocat se rendent compte que le jeune chanteur est devenu célèbre dans le monde arabe. En mai 2016, Saad Lamjarred est sommé par la Cour suprême de l’Etat de New York de se présenter au tribunal dans un délai de trente jours — il encourt jusqu’à vingt-cinq ans de prison. Le document enregistré par la Cour le 10 mai 2016, que Le Monde a pu consulter, reprend les termes de la plainte déposée en 2010 par la jeune femme. Celle-ci dit « avoir dîné avec Saad Lamjarred avant d’accepter de le suivre à son domicile de Brooklyn pour regarder son dernier clip ». Une fois sur place, elle déclare avoir refusé les avances de Saad Lamjarred, qui l’aurait alors frappée et violée.

Lire le récit de la première plainte contre le chanteur : La superstar marocaine Saad Lamjarred passible de 25 ans de prison aux Etats-Unis pour viol

L’affaire sera finalement classée sans suite en 2016. Le procureur de Brooklyn avait demandé l’abandon des poursuites en raison du refus de la plaignante de continuer la procédure pénale. Selon le New York Post, les deux parties avaient en effet trouvé un accord au civil. « En plus d’avoir initialement porté plainte [au pénal] contre Lamjarred, l’accusatrice l’avait également poursuivi au civil en mai. L’affaire a été réglée en dehors des tribunaux pour un montant non divulgué », écrivait le journal américain à la fin de 2016.

  • Octobre 2016, première mise en examen en France

Deux jours avant un concert qu’il devait donner au Palais des congrès à Paris, le 29 octobre 2016, Saad Lamjarred est accusé par une femme de 20 ans de l’avoir agressée dans sa chambre d’hôtel. Il est mis en examen le 28 octobre pour « viol aggravé » et « violences volontaires aggravées », puis écroué.

« Mon client conteste l’ensemble des faits qui lui sont reprochés », avait alors réagi l’un des avocats du chanteur, Me Jean-Marc Fedida, ajoutant : « Ce qui s’est passé cette nuit-là dans cette chambre est ce qui se passe habituellement à 5 heures du matin entre un homme et une femme consentante. »

Dans une vidéo publiée sur YouTube en novembre 2017, soit un an après les faits, la plaignante, Laura Prioul, 21 ans, avait donné sa version des faits : « On était proches, on s’est tous les deux embrassés. Et il a voulu me réembrasser, et j’ai tourné la tête et ça lui a pas plu. Je me suis fait frapper d’un coup. J’ai voulu me défendre et cette personne m’a à nouveau frappée. […] Cette personne a fini par me violer. »

Après six mois de détention provisoire à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, Saad Lamjarred, défendu par les avocats Eric Dupond-Moretti et Jean-Marc Fedida, est remis en liberté en avril 2017 et placé sous contrôle judiciaire. Il sera toutefois autorisé par la justice française à se rendre au Maroc en mars 2018 pour la promotion de son dernier succès, Ghazali Ghazali.

  • Avril 2017, nouvelle mise en examen pour des faits remontant à 2015

Alors qu’il était encore en détention provisoire, Saad Lamjarred a été entendu le 14 février 2017 par des enquêteurs de la police judiciaire, dans le cadre d’une autre enquête préliminaire ouverte par le parquet de Paris. L’audition fait suite à une autre plainte déposée en novembre 2016 par une Franco-Marocaine de 28 ans qui dit avoir été violée par Saad Lamjarred en 2015 lors de vacances au Maroc. Il est de nouveau mis en examen pour viol le 11 avril 2017.

Selon une source judiciaire interrogée par Le Monde, les deux instructions ouvertes à Paris ont été jointes et sont aujourd’hui closes. Le parquet doit encore rendre ses réquisitions. Il peut requérir un renvoi aux assises, un renvoi en correctionnelle, ou un non-lieu.

La troisième plainte contre Saad Lamjarred : le chanteur entendu dans une nouvelle affaire de viol
  • Août 2018, mis en examen à Saint-Tropez

Dimanche 26 août au matin, Saad Lamjarred a de nouveau été placé en garde à vue dans les locaux de la gendarmerie de Saint-Tropez (Var) dans le cadre d’une troisième affaire. Une enquête en flagrance a été diligentée à la suite de la plainte d’une femme pour des « faits caractérisés de viol » qui se seraient déroulés dans un établissement de nuit de Saint-Tropez dans la nuit de samedi à dimanche. Il a été mis en examen mardi pour « viol », a déclaré le parquet de Draguignan.

  • Une star soutenue par le roi du Maroc

Issu d’une famille d’artistes, Saad Lamjarred a vu sa notoriété grandir à partir de 2013 et de son tube Mal Hbibi Malou, et pour avoir joué dans la série marocaine Ahlam Nassim. Ses titres Enty, en 2014, puis Lmaâlem, lui offrent une popularité dans tout le monde arabe. Malgré ses démêlés judiciaires, il est resté populaire au Maroc. Son dernier tube, Casablanca, cumule plus de 55 millions de vues sur YouTube en trois semaines, et Ghazali, dépasse les 120 millions.

Saad Lamjarred a également bénéficié jusqu’à présent d’importants soutiens au Maroc. Il a reçu en 2015 un Wissam (décoration royale) des mains du roi du Maroc, Mohammed VI, à l’occasion de la fête de la Jeunesse. A la fin d’octobre 2016, l’agence de presse officielle du royaume, la MAP, annonçait que le souverain prendrait en charge les frais de justice de Saad Lamjarred. Une aide dont on ignore si elle se poursuivra après cette nouvelle mise en cause de la star.