Chez Facebook, une poignée de salariés conservateurs accusent l’entreprise de partialité
Chez Facebook, une poignée de salariés conservateurs accusent l’entreprise de partialité
Un message publié par un salarié critique le supposé « « problème avec la diversité politique » de l’entreprise, reprenant les arguments de Donald Trump.
Ils ne sont qu’une poignée : une centaine de personnes sur les 30 000 employés de Facebook dans le monde. Mais le simple fait qu’ils aient rejoint un groupe Facebook intitulé « FB’ers for Political Diversity » (soit les « employés de Facebook pour la diversité politique »), créé quelques remous. Ce groupe privé, dont l’existence a été révélée par le New York Times mardi 28 août, a été lancé par un ingénieur appelé Brian Amerige, travaillant au siège de Facebook à Menlo Park.
Il a expliqué la création de ce groupe par un message diffusé au sein des forums de discussion internes à Facebook, dont le contenu a été publié par le quotidien américain. Dans ce texte d’une page, cet ingénieur, proche idéologiquement des libertariens américains – qui mettent l’accent sur la liberté individuelle, et votent plutôt républicain – affirme que ses collègues et son entreprise ont « un problème avec la diversité politique ».
« Nous affirmons que nous accueillons tous les points de vue, mais nous attaquons très vite – souvent en groupe – toutes les personnes qui présentent une opinion qui semble contraire aux idées de gauche », écrit-il en préambule d’une longue liste de critiques. « Nous proposons régulièrement d’exclure [l’investisseur Peter] Thiel de notre conseil d’administration parce qu’il a soutenu Trump. (…) Nous avons lancé une chasse aux sorcières contre Palmer Luckey [PDG d’Oculus Rift, qui appartient à Facebook] parce qu’il avait financé des publicités contre Hillary [Clinton]. (…) Nous demandons aux RH d’enquêter sur les salariés qui osent critiquer le rapport de l’islam avec les droits de l’homme parce qu’ils créent un “environnement non inclusif”. »
Selon le New York Times, plusieurs salariés se sont agacés de ce message, et se sont plaints à leur hiérarchie. Toujours selon le quotidien, Facebook a jugé qu’en l’état le message de M. Amerige n’était pas contraire aux règles de l’entreprise, qui, comme tous les grands groupes de la Silicon Valley, encourage ses employés à débattre sur des outils internes de discussion. Le New York Times explique enfin que le groupe Facebook « FB’ers for Political Diversity », dont le contenu est inaccessible à ceux qui n’y ont pas accès, rassemble actuellement une centaine d’employés de Facebook.
Débat qui s’est durci
La publication de ce message intervient un an après un débat comparable au sein de Google. Mi-août, un ingénieur de Google, James Damore, avait déclenché une vive controverse en diffusant dans l’entreprise un long texte critiquant les pratiques de quotas et les mesures de lutte contre la discrimination sexiste dans l’entreprise. Le texte estimait également que les employés conservateurs étaient contraints à l’autocensure. M. Damore avait été licencié après plusieurs jours de controverse, et a porté plainte contre son ancien employeur pour licenciement injustifié.
La publication du message de M. Amerige intervient cependant dans un contexte politique américain très tendu. Ces derniers mois, l’extrême droite américaine a considérablement renforcé ses critiques contres les géants de la Silicon Valley, qu’elle accuse, sans preuves tangibles, de censurer les voix conservatrices. Lors de plusieurs auditions parlementaires houleuses, consacrées à l’enquête sur l’ingérence russe ou la diffusion de fausses informations, des représentants de Google, Facebook ou Twitter ont été pressés de questions sur leur supposé « biais libéral ». Une nouvelle audition doit avoir lieu ce 5 septembre au Congrès, consacrée aux règles de modération des grandes plateformes – mais qui devrait essentiellement porter sur ce sujet.
Le dossier semble également obséder Donald Trump, qui a publié le 28 août plusieurs messages incendiaires affirmant que Google donnait la priorité aux « fausses informations des médias de gauche », et menacé de prendre des mesures. Le président américain accuse également régulièrement Twitter, son réseau social favori, d’être acquis à la gauche américaine. Twitter est pourtant le seul réseau social qui ait refusé de bannir définitivement le conspirationniste Alex Jones, très suivi par l’extrême droite américaine et que Trump lui-même apprécie.
La Silicon Valley vote, de manière écrasante, à gauche. Ces dernières années, l’analyse des dons aux campagnes politiques a montré que les salariés des grands groupes technologiques sont très majoritairement démocrates. Jack Dorsey, le PDG de Twitter, a toujours reconnu que lui-même, comme la plupart de ses salariés, était libéral, mais il a assuré à plusieurs reprises avoir pleinement conscience de ce fait, et que son entreprise prenait toutes les mesures pour éviter d’introduire des biais dans le fonctionnement du réseau social.