Des drapeaux français, russe et européen flottent à l’entrée du village de Pissa, en Centrafrique, en mars 2018. / FLORENT VERGNES / AFP

Noureddine Adam ou Mahamat Alkatim pour les groupes issus de l’ex-Séléka, Maxime Mocom pour les anti-balakas : les principaux leaders des groupes armés qui mettent la Centrafrique en coupe réglée depuis 2013 se sont finalement rencontrés, mardi 28 août, mais pas à l’endroit prévu… Selon le gouvernement centrafricain, c’est en effet à Karthoum que les chefs de guerre se sont rendus, à l’invitation de la Russie et du Soudan, alors qu’ils étaient invités du 27 au 30 août à Bouar, dans le nord-ouest de la Centrafrique, par les négociateurs de l’Union africaine (UA).

« Personnellement, je ne m’intéresse qu’à ce qui me concerne directement, à savoir la réunion de Bouar, réagit Francis Che, le porte-parole du panel de négociateurs de l’UA. Mais nous ne rejetons aucune des initiatives pouvant permettre un retour à la paix. » Les négociateurs, qui depuis plusieurs mois ont recueilli l’ensemble des revendications des quatorze groupes armés, entendent proposer à Bouar la signature d’un texte synthétisant ces demandes. « C’est ce document unique que nous entendons remettre au président Touadéra et qui sera la base des négociations à venir », poursuit Francis Che. Si cette démarche aboutit, elle devrait ouvrir la voie à la reprise du dialogue politique en Centrafrique.

Pied-de-nez de Moscou

Malgré le court-circuitage de la réunion de Bouar, les porte-paroles des groupes armés contactés assurent que l’initiative africaine est toujours privilégiée. Dans un communiqué diffusé par le gouvernement mercredi, le ministre de la communication, Ange-Maxime Kazagui, a annoncé qu’à l’issue de la rencontre de Karthoum, les groupes armés ont fait une « déclaration d’entente » pour converger vers « la restauration de la paix et la libre circulation des personnes et des biens », invitant « les parties prenantes, y compris la Russie et le gouvernement centrafricain, à œuvrer ensemble pour la tenue des assises de l’Union africaine ».

La rencontre de Karthoum intervient une semaine à peine après la signature d’un accord de coopération militaire entre Moscou et Bangui. Et il n’est pas interdit d’y voir un pied-de-nez de la diplomatie russe envers l’UA mais aussi la France, qui soutient l’initiative de l’organisation panafricaine. Et si officiellement le président Faustin-Archange Touadéra marque toujours son attachement à celle-ci, il semble désormais vouloir montrer que d’autres solutions peuvent être explorées. La médiation commencée par l’UA en juillet 2017 n’a pour le moment avancé qu’à petits pas. Or le président Touadéra a besoin de résultats, et la médiation proposée par la Russie semble désormais vue comme une alternative crédible.

Les négociateurs espèrent que les groupes armés, désormais réunis à Bouar, s’accorderont sur une liste de revendications communes. Les ONG internationales et nationales de défense des droits humains ont déjà prévenu que l’une de ces revendications, à savoir une amnistie générale concernant tous les combattants y compris les chefs de guerre, était inacceptable et ne saurait être tolérée par la population centrafricaine.