Michel Euler / AP

L’ancien ministre de la transition écologique n’a pas parlé des villes en annonçant sa démission. Son propos était centré sur l’incapacité d’avancer au niveau gouvernemental. Ce qu’il a dit concerne pourtant directement tous ceux qui agissent pour l’amélioration des espaces urbains qui sont au cœur de la transformation de notre planète en étuve.

Reprenons quelques termes.

Sincérité – Il a dit ce qu’il avait sur le cœur. C’est assez rare pour être salué. C’est aussi l’occasion de rappeler que, si les élus municipaux sont plus proches de leurs concitoyens – ce qui devrait leur permettre de répondre mieux à leurs problèmes et de dialoguer plus directement avec eux –, ils ne sont pas, pour autant, plus sincères que les autres.

Long terme – Nicolas Hulot est maintes fois revenu sur la tension entre les décisions qui ne prennent en compte que le court terme alors que les urgences nous obligent à agir maintenant pour obtenir des résultats qui se feront sentir plus tard. Les élus municipaux, n’échappent pas à ce problème. Leur présence sur le terrain devrait les aider à mieux comprendre pourquoi il faut souvent agir en pensant plus loin que le bout du prochain scrutin.

Société – Ceci n’est envisageable, Hulot l’a plusieurs fois souligné, que si majorité et opposition sont capables (quelle que soit la tendance de l’une et de l’autre) de se hisser au-dessus de leurs intérêts partisans pour prendre en compte le bien-être de la communauté. Medellín en Colombie, n’a pu passer de capitale mondiale du crime en 1992 à ville la plus intelligente du monde en 2013 que grâce à une entente entre les différentes forces politiques locales sur les grandes lignes des transformations à mener.

Diversité – Celle que l’on trouve dans le gouvernement d’Édouard Philippe a beaucoup contribué à convaincre Nicolas Hulot de le rejoindre. Son incapacité à fonctionner de façon cohérente a joué un rôle clé dans sa décision d’en sortir. Nous devons apprendre à vivre avec. À une toute autre échelle, la diversité est ce qui fait la force de nos villes, ce qui leur donne la dynamique qui les caractérise. L’ignorer dans le fonctionnement quotidien ou tenter de la réduire ne peut qu’avoir des conséquences dramatiques. Trop de forces poussent aujourd’hui dans ce sens.

Apathie citoyenne – Les lobbys qui s’affichent dans les salons de l’Élysée, du Palais Bourbon, du Sénat et de tous les ministères ne prennent pas de gants pour faire sentir leur présence à l’échelon municipal. La participation citoyenne à la gestion de nos villes est l’antienne de la plupart des discours ou des interventions bien pensantes. Mais elle ne se traduit que très modestement dans les faits. Un budget partiellement participatif par-ci, une application pour dénoncer le mauvais entretien des rues par-là. C’est à peu près tout. J’ai même entendu le fondateur d’une application permettant aux citoyens d’interagir avec leurs municipalités me dire qu’il avait du mal à atteindre 5 % de la population, mais que cela convenait parfaitement aux élus locaux qui pouvaient ainsi dire avoir fait un geste sans que cela ne leur pose de problèmes concrets.

Impuissance – C’est le non-dit qui comptait dans l’intervention d’hier. Nicolas Hulot n’est pas arrivé à faire bouger le schmilblick comme il l’espérait. Il renonce sans nous proposer l’illusion d’une stratégie. Sa démission est comme un écho gigantesque à celle de milliers de maires un peu partout en France. Chacun aura ses raisons mais les faits convergent.

Cyril Dion, cofondateur du mouvement Colibri, rappelle dans une chronique publiée par Le Monde après la démission de Nicolas Hulot que « la mutation qu’il est indispensable d’opérer […] est incompatible avec le modèle libéral, consumériste, fondé sur la croissance matérielle infinie ». Bien sûr. Il en attribue la responsabilité au « système » (« État profond », comme dit Snowden, transnationales, lobbys actifs, scrutins dépourvus de sens, divisions du mouvement écologiste, inanité des actions individuelles consistant à fermer le robinet quand on se lave les dents, etc.). Citant Patti Smith, il croît encore que « people have the power » et nous appelle à l’exercer.

Ne nous racontons pas trop d’histoire. La force de l’appel de Nicolas Hulot est peut-être précisément qu’il est un constat d’échec et d’impuissance dans une situation d’urgence dramatique. C’est ça qui bouleverse.