Son Heung-min n’a, a priori, rien contre le principe de l’armée, mais il mène une carrière à succès en Angleterre. / Achmad Ibrahim / AP

Si vous croisez, samedi 1er septembre, dans quelque pub anglais du cœur de Londres, des supporteurs de Tottenham passionnés par la finale des Jeux asiatiques de football entre la Corée du Sud et le Japon, ne vous étonnez pas : il en va de l’avenir proche de leur buteur, Son Heung-min.

Vedette du football sud-coréen, attaquant titulaire de Tottenham en Premier League anglaise, le joueur de 26 ans abat l’une de ses dernières cartes pour échapper au service militaire, obligatoire pour tous les hommes coréens avant leur 28e anniversaire. Une victoire aux Jeux asiatiques l’en délivrerait.

Pour faire face à son voisin du Nord, la Corée du Sud recourt encore à la conscription et demande à chacun de ses enfants de sexe masculin un service militaire de vingt et un à vingt-quatre mois, considéré dans la société comme un rite de passage incontournable.

En juin, la Cour constitutionnelle a prié le gouvernement de trouver une alternative au service militaire pour les objecteurs de conscience, relançant le débat sur la conscription. Selon Amnesty International, il y a plus d’objecteurs de conscience derrière les barreaux en Corée du Sud que dans le reste du monde.

Loi de 1981

Son Heung-min n’a, a priori, rien contre le principe de l’armée, les parcours dans la boue et les réveils au clairon, mais il mène une carrière à succès en Angleterre, où il gagne plusieurs millions de livres sterling par an, et vient de prolonger son contrat avec Tottenham jusqu’en 2023. Plusieurs millions de raisons, donc, de vouloir éviter d’apprendre le maniement du fusil pendant ses meilleures années de joueur.

En cas de victoire samedi, le service de Son Heung-min se limitera à un mois d’une formation militaire rudimentaire et cinq cent quarante-quatre heures de service civique, à effectuer dans les trois ans.

La question des exemptions pour les vedettes ou personnalités politiques agite régulièrement le pays du Matin calme, où la carrière de stars de la chanson, notamment, a pâti de leurs tentatives d’aménagement du service militaire. La loi autorise depuis 1981 les sportifs à échapper au service en cas de médaille d’or aux Jeux asiatiques ou de médaille, peu importe la couleur, aux Jeux olympiques.

En 2002, les héros sud-coréens demi-finalistes de la Coupe du monde avaient aussi bénéficié de la clémence gouvernementale mais, éliminés au premier tour cette année malgré une victoire mémorable contre l’Allemagne, Son Heung-min et ses coéquipiers n’étaient pas dans la même situation.

Une nouvelle occasion en Coupe d’Asie, en janvier 2019

Il reste deux occasions à Son Heung-min pour obtenir une dérogation : ces Jeux asiatiques et la Coupe d’Asie, en janvier 2019. L’attaquant peut aussi espérer une forme d’indulgence gouvernementale et tenter sa chance aux Jeux olympiques de Tokyo, en 2020. Il aura alors dépassé l’âge limite, de quelques semaines.

Contrairement aux précédents clubs de Son Heung-min, en Allemagne, qui n’avaient pas libéré le joueur pour ces compétitions mineures, Tottenham fait tout pour favoriser la suite de la carrière de son joueur et s’est engagé, selon le Times, à le laisser rejoindre son équipe nationale pour toutes ces compétitions.

Le tournoi de football des Jeux asiatiques est phagocyté par la question de l’avenir du joueur. Lors de la demi-finale face au Vietnam, un supporteur vietnamien brandissait une pancarte figurant le buteur en militaire, avec la légende : « Son Heung-min dans l’armée coréenne ». Le joueur, qui ne veut pas donner l’impression de porter son maillot national dans le seul but d’échapper à la conscription, évite soigneusement toutes les questions sur le sujet.

Arrivé au dernier moment en Indonésie – sans avoir effectué la préparation physique avec ses jeunes coéquipiers –, il est par ailleurs loin de son meilleur niveau depuis le début du tournoi. Celui-ci serait toutefois largement suffisant pour briguer un poste de titulaire dans le club de l’armée, le Sangju Sangmu FC, où évoluent, en première division sud-coréenne, les meilleurs conscrits footballeurs.