Les messages incitant le voyageur à un comportement vertueux, écologiquement parlant, pullulent désormais dans les établissements touristiques. Dans les salles de bains d’hôtels, des affichettes alertent le voyageur. « Pour ne pas gaspiller l’eau, seules les serviettes déposées dans la douche seront remplacées », avertit l’hôtelier. Tel autre organisateur se vante de « mettre tout en œuvre pour réduire l’impact du client voyageur sur la planète ».

Mais que vaut cet affichage par rapport à l’impact global du tourisme sur l’environnement ? Pas grand-chose. L’opérateur continuera de proposer des vols multipliant par deux le nombre de kilomètres parcourus, et donc les émanations de dioxyde de carbone, pour arriver à destination, parce que, paradoxalement, c’est ainsi qu’il comprime souvent le prix du trajet, et donc du voyage.

Si « 60 % des consommateurs se considèrent comme engagés dans leur mode de vie et de consommation (…), les offres proposées par les géants du tourisme en ligne ne traduisent que rarement leur quête de sens », estime Laurent Bougras, directeur de la centrale de réservation FairBooking dans Les Grandes Tendances du tourisme d’aujourd’hui et de demain, du Cahier-tendances publié par le Welcome City Lab, plate-forme d’innovation consacrée au tourisme urbain, la Direction générale des entreprises (DGE), Paris & Co et la Mairie de Paris. Les initiatives relevant du « tourisme équitable et responsable » n’ont pas fait tache d’huile. Pour l’instant du moins.

8 % des émissions de gaz à effet de serre

Or, les dégâts provoqués par le tourisme jouent non seulement contre la planète, mais aussi contre ce secteur économique même. Il est donc vital de réconcilier les deux. Raison pour laquelle les Entretiens internationaux du tourisme du futur, qui auront lieu du 5 au 7 septembre, au château de Vixouze (Cantal), et dont Le Monde est partenaire, vont porter prioritairement sur les stratégies à définir et les moyens à mobiliser pour un tourisme plus écologique à horizon 2030-2050.

Il y a urgence. L’empreinte carbone du tourisme a augmenté de 15 % entre 2009 et 2013, pour atteindre 4,5 milliards de tonnes de CO2 émises, soit 8 % des émissions globales de gaz à effet de serre, selon une étude réalisée par des chercheurs de l’université de Sydney (Australie), publiée le 23 mai dans la revue Nature Climate Change. Et les populations des pays les plus visités commencent à se rebeller contre l’afflux de touristes perturbateurs.

Parallèlement, ce secteur pèse 10 % du PIB mondial et de l’emploi, avec 292 millions de collaborateurs en 2017, selon le Conseil mondial du voyage et du tourisme. Il est donc essentiel à l’économie, et tant les responsables politiques que les entrepreneurs du secteur souhaitent le promouvoir encore davantage. Les voyages internationaux ont dégagé un chiffre d’affaires global de 1 137 milliards d’euros en 2017, selon l’Organisation mondiale du tourisme. Et la France reste le pays le plus visité au monde, avec une arrivée de 87 millions de touristes étrangers dans l’Hexagone en 2017, selon la DGE. A ce chiffre, il faudrait ajouter les 120 millions d’« excursionnistes », c’est-à-dire de personnes qui passent une journée dans le pays, souligne Christian Mantei, directeur général d’Atout France.

« Tourismophobie »

Mais, les nuisances engendrées se retournent contre l’activité elle-même. A terme, le réchauffement climatique ne pourrait-il pas porter un coup fatal aux stations de montagne, tant l’hiver, quand les canons à neige sont un pis-aller fort peu écologique, que l’été, quand le réchauffement provoque chute de séracs et de pierres ? Que deviendront les pays réputés pour leur ensoleillement quand les températures atteindront des niveaux difficiles à supporter ?

Aux atteintes dues au dérèglement climatique s’ajoutent les détériorations de sites et monuments, les déséquilibres sociaux et sociétaux. Les habitants des régions visitées supportent de plus en plus mal ces afflux de touristes pollueurs, bruyants, qui font monter les prix des loyers au point que les résidents à l’année n’arrivent plus à se loger dans la région qui les emploie.

Ce phénomène a désormais un nom : la « tourismophobie ». Un mal qui sévit sur tous les continents : à Venise, à Barcelone, en Grèce, mais aussi sur le site du Machu Picchu (Pérou) ou dans les îles thaïlandaises, rappelle le cabinet de conseil McKinsey dans une étude consacrée à la gestion de la surpopulation dans les destinations touristiques. La tourismophobie a pour l’instant épargné la France, observe M. Mantei. Mais, « d’ici à cinq ans, nous devrons la gérer », ajoute-t-il.

Certains acteurs du secteur ont compris qu’il est nécessaire, voire opportun, d’intégrer les impératifs de développement durable dans leur stratégie. Des hôteliers utilisent les caractéristiques pro-environnementales de leur établissement comme argument de vente.

Au Mob Hôtel de Saint-Ouen, en banlieue parisienne, le toit est ainsi devenu un jardin potager entretenu par des habitants du quartier. D’autres n’hésitent plus à mettre des dortoirs dans leur offre d’hébergement, ce qui a pour avantage de réduire l’empreinte au sol par lit proposé, tout en mettant sur le marché une offre à bas prix, longtemps l’apanage des auberges de jeunesse. Quelques restaurateurs surfent sur la vague bio, voire locavore. Mais ils restent très minoritaires.

Il ne reste plus qu’à espérer du retour de bâton citoyen une incitation à un développement durable du tourisme dont les acteurs œuvrent à faire mieux connaître la planète Terre de ses habitants, où qu’ils soient.

Ce dossier a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec Les Entretiens internationaux du tourisme du futur