Alors que les spectateurs le sifflaient pour son manque de combativité, Nick Kyrgios a tendu l’oreille en signe de défiance : « J’adore qu’on me siffle. J’ai tendu l’oreille car je voulais juste les entendre me siffler à nouveau », a-t-il commenté avec sa provocation habituelle après sa victoire face à Pierre-Hugues Herbert, jeudi 30 août. / Seth Wenig / AP

On ne peut pas dire que les joueuses et les joueurs français brillent jusqu’à présent par leurs résultats à l’US Open (ils ne sont plus que quatre sur 17 engagés au départ), mais ils se retrouvent malgré eux au centre de polémiques qui troublent les premiers jours du Grand Chelem new-yorkais.

Après l’imbroglio textile autour d’Alizé Cornet qui, lors de son premier tour (perdu) mardi, a failli recevoir une amende pour avoir remis son t-shirt à l’endroit au fond du court, laissant entrevoir sa brassière, c’est au tour de Pierre-Hugues Herbert d’être victime d’un fait de match.

Jeudi 30 août, pour son deuxième tour, le Français menait 6-4, 3-0 face au fantôme de Nick Kyrgios. Connu pour ses sautes de concentration, l’Australien avait pratiquement arrêté de jouer, retournant les points sans même se déplacer et servant double faute sur double faute. L’arbitre suédois Mohamed Layani a alors profité d’un changement du côté pour descendre de sa chaise et rendre au chevet du joueur de 23 ans, assis sur sa chaise, l’air hagard.

On peut clairement distinguer ces paroles : « Je veux t’aider, je veux t’aider », « je sais de quoi tu es capable, là ce n’est pas toi ». Le règlement oblige l’arbitre à s’adresser au joueur s’il estime qu’il ne joue pas à son maximum, sous peine de le sanctionner pour « manque de combativité ». L’Australien est d’ailleurs l’un des joueurs qui collectionne le plus d’amendes sur le circuit pour ce motif (quand ce n’est pas pour « obscénité »). Mais force est de constater que les mots prononcés par M. Layani s’apparentent davantage à du coaching proprement dit.

Intervention salvatrice

Après ces quarante-cinq secondes de tête à tête, visiblement reboosté, Kyrgios est reparti avec de nouvelles intentions : il a ensuite remporté 19 des 25 derniers jeux pour finalement battre le Français 4-6, 7-6, 6-3, 6-0.

La scène, inédite, n’a pas tardé à faire réagir dans les vestiaires comme sur les réseaux sociaux. L’ancien arbitre Richard Ings a fait part de sa stupéfaction sur Twitter : « Je me creuse la tête pour essayer de me souvenir si un arbitre descendant de sa chaise pour parler à un joueur est une situation qui s’est déjà produite. J’ai arbitré des centaines de matchs, j’ai été chef de l’arbitrage à l’ATP. Aucun fait de ce genre ne me revient en mémoire. »

Interrogé après son match, Nick Kyrgios a tenu à dégonfler la polémique :

« [Ses paroles] ne m’ont pas du tout aidé. La même chose m’est déjà arrivée à Shanghaï [en 2016], où l’arbitre m’avait aussi dit que mon comportement nuisait au spectacle, et ça m’est encore arrivé il y a deux semaines à Cincinnati contre Del Potro. M. Layani m’a dit qu’il m’aimait bien, je ne pense pas qu’on puisse assimiler ça à des encouragements. Il m’a juste répété que c’était du mauvais spectacle, il ne m’a pas du tout coaché. »

Jeudi, tout comme Alizé Cornet la veille, Pierre-Hugues Herbert a eu les honneurs de la salle d’interview réservée d’ordinaire aux têtes d’affiche afin de répondre au parterre de journalistes pressés de recueillir sa réaction : « Sur le moment, je n’ai pas écouté ce qu’ils se disaient, j’essayais de rester concentré sur moi, a expliqué le Français. J’ai juste vu que ça faisait un set, un break pour moi, que lui n’était ni impliqué ni concentré et qu’à partir du moment où Mohamed est descendu, il s’est mis à serrer le poing, à plus s’encourager, et surtout, à jouer à un niveau que je ne pouvais plus suivre. »

« L’arbitre est allé trop loin »

Pour autant, Herbert n’en veut pas à son adversaire : « Ce n’est pas Nick le fautif, il a subi la situation. C’est un joueur touchant dans ses travers, c’est un artiste, on a plus envie de l’aider que de l’enfoncer. Mais sa petite faiblesse, c’est son mental et le mental, ça fait partie du jeu. » En revanche, le vaincu du jour s’est logiquement dit « un peu énervé » contre Mohamed Layani, d’ordinaire l’un des arbitres les plus respectés du circuit :

« Aujourd’hui, il a outrepassé son rôle. L’arbitre n’a pas à descendre de sa chaise. Et il n’a pas à dire à un joueur : j’ai envie de t’aider. J’espère qu’il viendra me voir pour s’excuser. Après coup, je lui en veux un peu car je ne sais pas ce qui se serait passé s’il n’était pas descendu de sa chaise. »

Réputé pour son esprit taquin, Pierre-Hugues Herbert n’en a pas perdu son sens de l’humour. Alors qu’un journaliste lui demandait quel serait le geste d’excuse de la part des organisateurs du tournoi qui le satisferait le plus, il a alors eu cette réponse en esquissant un large sourire : « Qu’ils me donnent le prize money promis au vainqueur. Voilà qui serait équitable. »

Pour l’heure, le tournoi s’est contenté de publier un communiqué, tentant maladroitement d’éteindre l’incendie : « M. Layani est descendu de sa chaise en raison du bruit sur le court durant le changement de côté pour être sûr de bien se faire entendre de Kyrgios. Il s’inquiétait de savoir si Kygios avait besoin d’une pause médicale. Il lui a aussi indiqué que si son manque de combativité manifeste perdurait, il lui faudrait prendre des mesures à son encontre. »