« What You Gonna Do When the World’s on Fire? », premier film engagé et politique présenté jusqu’ici dans la sélection officielle de Venise. / OKTA FILM SR / VENICE FILM FESTIVAL

A son mi-parcours, La Mostra a connu sa projection la plus émouvante, dimanche 2 septembre, avec What You Gonna Do When the World’s on Fire?, qui a été honoré par une salle debout. Les très longs applaudissements ont tiré les larmes au réalisateur Roberto Minervini, aux acteurs de son film (qui ne sont pas des comédiens) et au public lui-même. Cette manifestation lacrymale ne relevait pas seulement de l’accueil chaleureux réservé au film. Elle saluait avant tout le propos de What You Gonna Do When the World’s on Fire? ainsi que les hommes, les femmes et les enfants qui y figurent.

Dans ce cinquième film documentaire, en noir et blanc, consacré au Sud américain (l’avant dernier, The Other Side, suivait un couple de toxicomanes en Louisiane et des paramilitaires au Texas), le réalisateur est allé à la rencontre d’Afro-Américains de La Nouvelle-Orléans, dont l’histoire porte l’empreinte de siècles de racisme. Roberto Minervini a filmé en 2017, année tragiquement marqués par la mort de plusieurs Noirs non armés, abattus par des policiers.

Comme à son habitude, le réalisateur, formé à la photographie et au reportage, a passé beaucoup de temps auprès de cette communauté, dont il a recueilli les confidences durant de longs mois, gagnant ainsi leur confiance et une proximité sans laquelle son film n’aurait pas cette intensité profonde, ce respect gagné de part et d’autre, palpable dans le film. Il a ensuite laissé sa caméra agir, en longs plans séquences, afin qu’elle enregistre le quotidien, la colère, l’engagement, les réflexions de ces hommes et de ces femmes que la peur ne quitte pas mais que le courage soutient.

Une œuvre qui abolit les frontières

Roberto Minervini, qui fait partie de la nouvelle vague de talents du cinéma transalpin, a le don de l’écoute, au même titre que celui du cadrage. Suivant les préparatifs du Mardi gras indien comme s’il s’agissait d’une fiction, les Black Panthers en action à la manière d’un reporter, et les individus, comme le grand documentariste qu’il est, le réalisateur crée une œuvre d’une nature singulière qui abolit la frontière entre les différentes catégories cinématographiques.

Depuis le début de La Mostra, What You Gonna Do When the World’s on Fire? – dont le propos entre en résonance avec la politique de Donald Trump et la politique d’accueil des migrants en Europe – a été le premier film engagé et politique présenté jusqu’alors dans la sélection officielle. Celle-ci, depuis sa soirée d’ouverture mercredi 29, s’est en effet surtout distinguée par de grands films de genre, assumés comme un hommage au cinéma par les réalisateurs.

Le western (The Ballad of Buster Scruggs, de Joel et Ethan Cohen, The Sisters Brothers, de Jacques Audiard), le film dans l’espace (First Man de Damien Chazelle), le film historique en costumes (The Favourite, de Yorgos Lanthimos), le film d’horreur (Luca Guadagnino offrant sa version de Suspiria quarante ans après celle de Dario Argento)… ont ainsi été magistralement célébrés. Tous ces films ont suscité de grands enthousiasmes, tant de la part du public que de la critique. What You Gonna Do When the World’s on Fire?, avec le réel dans ses bagages, a été le premier à bouleverser.

Film américain et italien en noir et blanc de Roberto Minervini. Avec Judy Hill, Michael Nelson, Ronaldo King (2 h 03).