Au moins un manifestant a été blessé mercredi à la tête par une grenade lacrymogène, avant d’être évacué à bord d’une ambulance. / Nabil al-Jurani / AP

Dans la ville irakienne de Bassora, le ressentiment de la population envers le pouvoir n’en finit plus de s’intensifier. Pour le deuxième jour d’affilée, mercredi 5 septembre, les forces de l’ordre ont tiré à balles réelles sur les participants d’une manifestation contre la corruption du pouvoir central de Bagdad. Mardi, six manifestants avaient été tués par la répression policière.

Depuis le 8 juillet, cette grande ville pétrolière du sud de l’Irak est le théâtre d’un mouvement social d’ampleur, qui s’est rapidement propagé dans la région, épargnée par la guerre contre le groupe Etat islamique (EI) mais délaissée sur le plan des infrastructures. En cause, notamment, l’exaspération des habitants devant l’impunité des corrompus — l’Irak figure à la douzième place dans le classement mondial de la corruption —, dont l’avidité les prive des services de base, notamment de la distribution de l’eau.

20 000 personnes empoisonnées par l’eau

Pour apaiser la colère populaire, le gouvernement avait alors promis plans d’urgence, investissements et milliards de dollars. Le premier ministre, Haider Al-Abadi, battu lors des dernières législatives et qui cherche encore une majorité solide, avait même fait le déplacement.

Mais sur le terrain, le changement ne semble pas venir assez vite. Pis, l’eau distribuée est maintenant tellement polluée qu’elle a déjà conduit plus de vingt mille personnes à l’hôpital. Plusieurs associations de défense des citoyens souhaitent ainsi que Bassora soit déclarée province « sinistrée ». Mais, avec un tiers du pays repris récemment au groupe Etat islamique (EI), Bagdad dit peiner à trouver des fonds. Pourtant, le montant des revenus pétroliers bat chaque mois des records et a presque doublé en un an.

« La province de Bassora est devenue invivable et les habitants estiment que la réponse des autorités n’est pas à la hauteur de la crise », résume Fayçal Abdallah, président du Conseil gouvernemental des droits humains.

Tirs à balles réelles

Dès lors, les manifestations ont repris quotidiennement depuis le début de septembre, autour du siège du gouvernorat. Et les forces de l’ordre répliquent par des tirs à balles réelles et des grenades lacrymogènes. Les manifestants répondent quant à eux par des jets de cocktails Molotov et de bâtons de feux d’artifice.

Au moins un manifestant a été blessé à la tête par une grenade lacrymogène, mercredi, puis évacué à bord d’une ambulance. Mardi, « six manifestants ont été tués et plus de vingt blessés », selon Mehdi Al-Tamimi, chef du Conseil provincial des droits humains. M. Tamimi a accusé les forces de l’ordre d’avoir « ouvert le feu directement sur les manifestants » — ce que le premier ministre en personne a nié.

Lors d’une conférence de presse, le général Jamil Al-Chommari, chargé des opérations à Bassora, a fait état de « trente membres des forces de l’ordre blessés par des jets de grenades et d’objets incendiaires » durant la nuit. Un couvre-feu nocturne a été imposé et des renforts déployés. Mercredi matin, le représentant de l’ONU en Irak, Jan Kubis, a exhorté pour sa part « les autorités à éviter de recourir à une force létale disproportionnée ».