Une maison touchée par un tir de roquette dans la banlieue sud de Tripoli, le 4 septembre 2018. / MAHMUD TURKIA / AFP

La mission de l’ONU en Libye (Manul) a annoncé, mardi 4 septembre, la signature d’un accord de cessez-le-feu entre les groupes armés impliqués dans les combats près de la capitale libyenne qui ont fait au moins 50 morts depuis le 27 août. Après une nouvelle journée de violents affrontements au sud de la capitale, les combats marquaient une pause en début de soirée, mais il n’était pas possible de vérifier dans l’immédiat si l’accord était totalement respecté par les nombreux belligérants.

La semaine dernière, un accord de cessez-le-feu annoncé par des dignitaires n’avait été respecté que pendant quelques heures. « Sous l’égide de l’envoyé spécial de l’ONU en Libye Ghassan Salamé, un accord de cessez-le-feu a été conclu et signé aujourd’hui pour mettre fin à toutes les hostilités, protéger les civils et sauvegarder les biens publics et privés », a annoncé la Manul.

Un accord « très fragile »

La mission onusienne a précisé sur son compte Twitter que l’accord prévoyait également la réouverture du seul aéroport international en service près de Tripoli, fermé depuis le 31 août en raison des combats. Elle a tenu à souligner que « la réunion d’aujourd’hui ne visait pas à résoudre tous les problèmes de sécurité de la capitale libyenne » et que le but était de « se mettre d’accord sur un cadre plus large pour aborder ces problèmes ».

Ont pris part à ces pourparlers « des officiers militaires et les chefs des différents groupes armés présents dans et autour de la capitale », ainsi que le ministre de l’intérieur et d’autres représentants du gouvernement d’union nationale (GNA) reconnu par la communauté internationale, selon la Manul. L’ONU n’a pas précisé le lieu de la réunion, mais selon des sources proches des pourparlers, elle s’est tenue à Zawiya, à moins de 50 km à l’ouest de la capitale.

L’analyste libyen Mohamed Eljarh, qui parle d’un accord « très fragile », estime que « la Manul et les autorités libyennes devraient travailler à la mise en œuvre (…) des arrangements de sécurité prévus dans l’accord » signé fin 2015 au Maroc sous l’égide de l’ONU et dont est issu le GNA. « Ces arrangements ont été totalement ignorés jusqu’à présent » par le GNA, a-t-il déploré, en référence notamment à l’intégration des miliciens dans des forces de sécurité régulières.

Les combats opposaient depuis le 27 août des groupes venus notamment de Tarhouna et Misrata (ouest) à des groupes armés tripolitains théoriquement sous l’autorité du GNA. Mardi, les affrontements les plus violents ont eu lieu sur la route de l’aéroport international de Tripoli détruit en 2014, aux abords d’un immense dépôt de stockage d’hydrocarbures de la Compagnie nationale de pétrole (NOC). Avant l’annonce de l’accord de cessez-le-feu, la NOC avait demandé une trêve « immédiate pour préserver la vie des employés de la compagnie ».

Otage de certaines milices

Les combats ont en outre déclenché des incendies dans l’enceinte du complexe d’hydrocarbures et deux pompiers de la compagnie ont été blessés en tentant d’y venir à bout, a déploré la NOC qui a mis en garde contre d’« immenses pertes matérielles ».

La France, qui fait pression pour la tenue d’élections en décembre en Libye, a condamné la poursuite des affrontements à Tripoli, appelant « les parties prenantes à trouver une solution pacifique à la situation actuelle ». Depuis le début des hostilités, les combats ont fait au moins 50 morts et 138 blessés, et ont déplacé plus de 1 800 familles, selon le GNA.

A Genève, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a appelé « les parties impliquées dans les combats à épargner les civils et les infrastructures civiles ainsi qu’à permettre le passage sécurisé des personnes cherchant refuge dans des zones plus sûres ». Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme s’est dit de son côté préoccupé par « l’impact du conflit sur les groupes en situation vulnérable, notamment les migrants et les personnes déplacées ». Des témoins et des secouristes ont fait état de l’évasion mardi de centaines de migrants qui étaient détenus dans un centre de rétention sur la route de l’aéroport.

Depuis la chute de régime de Mouammar Kadhafi en 2011, Tripoli est sous la coupe de milices en quête d’argent et de pouvoir qui se livrent à une lutte acharnée pour la domination de la capitale. Comme les autorités de transition qui l’ont précédé, le GNA a échoué à mettre en place des forces de sécurité unifiées, devenant l’otage de certaines de ces milices qui ont infiltré les institutions politiques et économiques de la capitale.