Lors du conseil des ministres à l'Elysée, mercredi 5 septembre. / Jean-Claude Coutausse/French-Politics pour « Le Monde »

Editorial. Il devenait urgent, pour le chef de l’Etat et pour le gouvernement, de sortir des violentes turbulences de ces deux derniers mois. Juillet a été empoisonné par l’affaire Benalla, dont l’une des victimes collatérales, et non des moindres, aura été la réforme constitutionnelle, reportée sine die, sinon enterrée.

La rentrée de la fin août a été percutée par la démission fracassante de Nicolas Hulot, emblématique ministre de la transition écologique et solidaire, lassé de jouer les faire-valoir. Et septembre ne s’engageait pas mieux, depuis qu’Emmanuel Macron, lui-même, avait semé la confusion en s’interrogeant à voix haute, quatre mois seulement avant son entrée en vigueur, sur la pertinence de la réforme du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.

Pour un président qui se voulait maître du temps et des événements, affichant sa détermination réformatrice, éperonnant sans cesse le gouvernement et écartant sans hésitation les oppositions, cette succession d’adversités, de contretemps et d’hésitations était en passe de fragiliser en profondeur la cohérence même de son image et de son action.

Il devenait donc urgent de sortir de cette très mauvaise passe et de reprendre la main. C’est à quoi il s’est efforcé, mardi 4 septembre. Depuis une semaine, tout avait été fait pour dédramatiser la défection de Nicolas Hulot. C’est le même souci qui a présidé à son remplacement, poste pour poste, par François de Rugy. A ceci près qu’à un imprécateur utopiste succède un praticien pragmatique. L’un soulignait cruellement la « ligne de faille » entre l’ambition écologique et les contraintes économiques. L’autre entend, au contraire, marier économie et écologie, et faire de celle-ci l’un des moteurs de la croissance de demain.

Le pouvoir exécutif n’avait guère le choix

Les doutes et les commentaires souvent acides qui ont accueilli la nomination de l’ex-président de l’Assemblée nationale témoignent du choc provoqué par le départ de son prédécesseur et de la fébrilité du moment. Ils sont prématurés. L’engagement en faveur de la transition écologique et l’expérience politique, aussi ductile soit-elle, de M. de Rugy sont indéniables. Il sera bien temps de le juger sur pièces. Et cela ne tardera pas puisque – dossier crucial – les choix en matière de politique énergétique sont annoncés pour la mi-octobre. En attendant, le chef de l’Etat et celui du gouvernement peuvent se rassurer de savoir le nouveau ministre en cohérence avec eux.

Il devenait tout aussi urgent de sortir du pataquès du prélèvement à la source. Après un dernier arbitrage présidentiel, c’est le premier ministre qui s’en est chargé, mardi soir à la télévision, menant avec sobriété son travail, selon ses termes, de « transformation », de « réalisation » et d’« explication ». La réforme sera bien appliquée au 1er janvier 2019, elle est prête, elle ne présente pas de risque sérieux de mise en route, enfin son effet anxiogène sur les contribuables est abusivement monté en épingle puisqu’elle est, au contraire, destinée à leur simplifier la vie, a-t-il assuré. Rendez-vous dans quatre mois ! En réalité, le pouvoir exécutif n’avait guère le choix : reporter cette réforme ou, pis, y renoncer eût jeté un doute sans doute rédhibitoire sur sa volonté réformatrice.

Il reste que l’impatience du président à reprendre l’initiative n’a d’égale que l’impatience des Français à mesurer les bienfaits éventuels de sa politique. Edouard Philippe l’a admis sans détour. Emmanuel Macron a lui-même, à plusieurs reprises, souligné qu’il faudrait deux ans pour que la « transformation » engagée produise ses effets. Or, plus le temps passe, plus le doute s’insinue et s’installe, d’autant que les perspectives économiques, hier stimulantes, sont désormais moroses. La désaffection de l’opinion l’atteste, comme les crispations des acteurs sociaux et le réveil des oppositions politiques.

Le chef de l’Etat se targue d’être efficace et demande à être jugé sur ses résultats. Au-delà de la reprise en main qu’il vient d’effectuer, il devient urgent d’en produire.