A Muhambal, près d’Idlib (Syrie), après des bombardements russes, le 4 septembre 2018. / OMAR HAJ KADOUR / AFP

L’offensive des forces du régime syrien et de ses alliés russe et iranien sur Idlib se précise, alors que l’administration américaine renouvelle ses mises en garde à Damas concernant un emploi de l’arme chimique, et que l’Organisation des Nations unies (ONU) appelle à « éviter un bain de sang ». Après vingt-deux jours d’interruption, les avions russes ont repris, mardi 4 septembre, leurs bombardements du dernier grand bastion rebelle et djihadiste dans le nord-ouest de la Syrie, tuant au moins treize civils dont six enfants, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).

Les avions russes ont pris principalement pour cible des secteurs du sud et du sud-ouest de la province, selon l’OSDH, qui cite notamment Ariha, contrôlée par les rebelles, et Jisr Al-Choghour, dominée par le groupe djihadiste Hayat Tahrir Al-Cham (HTS, ex-Al-Nosra, branche syrienne d’Al-Qaida). Ces frappes russes, ainsi que l’afflux de renforts militaires aux abords de cette région adossée à la Turquie, laissent présager une attaque d’envergure sur Idlib et des poches adjacentes sous contrôle rebelle ou djihadiste.

L’opération en préparation pourrait néanmoins rester limitée et viser seulement des secteurs périphériques de l’enclave. La prise d’Idlib, où vivent 3 millions de civils dont 800 000 déplacés, entraînerait un immense afflux de réfugiés vers la frontière turque fermée depuis deux ans. Ankara a déployé douze postes militaires après l’accord avec Moscou et Téhéran d’octobre 2017 sur l’instauration de « zones de désescalade ».

« Sentiment d’urgence »

Les forces turques encadrent le Front de libération nationale, un assemblage hétéroclite de groupes armés non djihadistes. Les Turcs n’ont jamais réussi à isoler et marginaliser les combattants de Tahrir Al-Cham – contrôlant 60 % de la province – finalement classé par Ankara le 31 août comme « groupe terroriste », à la grande satisfaction de Moscou.

Les frappes russes surviennent alors qu’un sommet doit réunir le 7 septembre à Téhéran les chefs d’Etat iranien, russe et turc. Les discussions porteront naturellement sur le sort d’Idlib d’autant que le Kremlin, s’il se trouve en position de force, souhaite éviter une crise ouverte avec la Turquie. Le ton est certes très martial. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, clame que Damas, avec l’aide russe, « s’apprête à régler » le problème du « terrorisme » dans la province d’Idlib.

Au-delà de ces rodomontades, le pouvoir russe sait qu’une conquête totale de la poche sera longue et difficile, et qu’elle produira un carnage et un exode remettant la question syrienne en tête de l’agenda international à trois semaines de l’ouverture à New York de l’Assemblée générale des Nations unies.

Dans l’espoir de conjurer un « bain de sang », Staffan de Mistura, l’émissaire de l’ONU pour la Syrie, a appelé le 4 septembre le président russe, Vladimir Poutine, et son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, à se parler d’urgence « au téléphone » avant le sommet iranien. « Nous avons entendu dire par la presse que le gouvernement fixait un délai autour du 10 septembre, d’où le sentiment d’urgence », a-t-il expliqué à Genève, tout en assurant qu’il n’entendait pas reporter ses consultations de la semaine prochaine avec les pays influents dans ce conflit, sur la formation d’un comité constitutionnel chargé de doter la Syrie d’une nouvelle Loi fondamentale.

Dans la perspective de l’offensive russo-syrienne, l’administration Trump a renouvelé ses avertissements au régime de Damas sur tout recours aux armes chimiques. « Soyons clairs, notre position, ferme, reste inchangée : si le président Bachar Al-Assad décide d’utiliser une nouvelle fois des armes chimiques, les Etats-Unis et leurs alliés répondront rapidement et de façon appropriée », a prévenu la Maison Blanche dans un communiqué.

Washington, qui a mené deux séries de frappes punitives contre le régime syrien en avril 2017 et en avril 2018 – cette fois avec la participation des Français et des Britanniques – après l’usage d’armes chimiques, a accusé Moscou de mener une campagne de désinformation pour préparer le terrain à une nouvelle utilisation de ces armes dévastatrices. Le Conseil de sécurité de l’ONU se réunira le 7 septembre pour discuter de la situation à Idlib.