Les députés s’apprêtent à faire leur rentrée à l’Assemblée nationale, le 12 septembre, mais ils n’ont plus de président. Le perchoir a été libéré par François de Rugy, nommé mardi 4 septembre au ministère de la transition écologique et solidaire, en remplacement de Nicolas Hulot. Resté à peine plus d’un an à la présidence de l’Assemblée nationale, l’élu de Loire-Atlantique n’y a pas fait l’unanimité, que ce soit sur les bancs de l’opposition ou sur ceux de la majorité.

Pour son successeur au Palais-Bourbon, les chantiers sont nombreux : transformation de l’Assemblée nationale, gestion avec l’exécutif de l’agenda parlementaire surchargé, apaisement des relations avec les autres groupes politiques… Son nom sera connu mercredi 12 septembre à l’issue d’un vote de l’ensemble des députés.

Mais le parti majoritaire, La République en marche (LRM), désignera son candidat dès lundi 10 septembre lors d’un vote interne à bulletin secret organisé dans le cadre d’un séminaire de rentrée à Tours. Les postulants avaient jusqu’à mercredi 5 septembre minuit, pour se faire connaître. Voici leurs portraits.

  • Richard Ferrand, le favori

Richard Ferrand, le 24 juillet, à l’Assemblée nationale. / BERTRAND GUAY / AFP

Parlementaire expérimenté, proche d’Emmanuel Macron, président du groupe majoritaire depuis plus d’un an, Richard Ferrand est le grand favori de cette élection. Il s’est porté candidat mardi, quelques heures après l’annonce de la nomination de François de Rugy au gouvernement, au cours d’une réunion du bureau du groupe LRM.

Elu pour la première fois à l’Assemblée nationale en 2012 sous l’étiquette du Parti socialiste (PS), Richard Ferrand a été réélu dans sa circonscription du Finistère en 2017 sous la bannière LRM. Il est l’un des premiers à avoir rejoint Emmanuel Macron, lorsque celui-ci était encore ministre de l’économie.

M. Ferrand a aussi fait partie du premier gouvernement d’Edouard Philippe, en tant que ministre de la cohésion des territoires. Mais l’expérience a tourné court. Mis en cause dans une affaire immobilière liée aux Mutuelles de Bretagne, qu’il a dirigées (1998-2012), l’élu de 56 ans est affecté un mois après sa nomination au poste de président du groupe LRM à l’Assemblée nationale.

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Alors que l’affaire est toujours en cours – une information judiciaire pour prise illégale d’intérêts a été ouverte en janvier et délocalisée à Lille durant l’été –, l’exécutif prendrait le risque de placer à la présidence du Palais-Bourbon un homme sous la menace d’une possible mise en examen. Dans une interview à Franceinfo, le président d’Anticor, Jean-Christophe Picard – l’association a déposé plainte contre M. Ferrand dans cette affaire –, déclare qu’une élection du député du Finistère serait « un très mauvais signal envoyé à la moralisation de la vie politique ».

M. Ferrand a, par ailleurs, été régulièrement critiqué pour sa gestion du groupe majoritaire : trop distant, pas assez présent. Mais sa cote est remontée à l’occasion de l’affaire Benalla, en plein cœur de l’été. Beaucoup, au sein de la majorité, ont jugé l’ex-député socialiste « solide » au moment où le bateau macroniste tanguait sévèrement.

  • Barbara Pompili, l’outsider

Barbara Pompili, le 2 août 2017, à l’Assemblée nationale. / JACQUES DEMARTHON / AFP

Elle a attendu le dernier moment pour présenter sa candidature, mais elle s’est finalement lancée. Son souhait est qu’une femme soit élue au perchoir, ce qui n’est jamais arrivé dans l’histoire de la Ve République. Native du Pas-de-Calais, l’élue de 43 ans a fait l’essentiel de sa carrière professionnelle dans la vie politique, qui a débuté en 2002 à l’Assemblée en tant qu’assistante du député écologiste Yves Cochet.

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En 2012, grâce notamment aux accords conclus entre le PS et Europe Ecologie-les Verts (EELV), elle est élue députée de la Somme. Elle partage alors la présidence du groupe EELV avec François de Rugy. Après avoir quitté le parti, Mme Pompili entre au gouvernement de Manuel Valls en 2016 en tant que secrétaire d’Etat à la biodiversité.

Dès mars 2017, elle est la première au sein du gouvernement à annoncer son soutien à Emmanuel Macron. Sous l’étiquette LRM, elle est réélue largement dans sa circonscription de la Somme, puis désignée présidente de la commission du développement durable au Palais-Bourbon.

  • Yaël Braun-Pivet, le « nouveau visage »

Yaël Braun-Pivet, le 25 juillet à l’Assemblée nationale durant les auditions de la commission sur l’affaire Benalla. / GERARD JULIEN / AFP

La députée des Yvelines Yaël Braun-Pivet a annoncé sa candidature avant même le président du groupe LRM, dans un mail envoyé à ses collègues mardi en début d’après-midi. Elle s’y présente comme la candidate du « nouveau monde », un thème cher au chef de l’Etat :

« Nouveaux visages, nouveaux usages, telle est la dynamique qui nous a portés jusqu’ici et qui doit continuer à nous animer (…) Dans le droit fil du projet qui nous unit autour du président Emmanuel Macron, je souhaite que nous poursuivions ensemble les réformes engagées au cours de cette première année afin de moderniser et d’ouvrir notre Assemblée. »

Jusqu’aux élections législatives de 2017, Mme Braun-Pivet était novice en politique. Elle a travaillé sept ans comme avocate pénaliste avant de se consacrer à sa famille. Mais à 47 ans, elle remplissait tous les critères recherchés par Emmanuel Macron pour sa nouvelle majorité : une femme, jamais élue, issue de la société civile. Elle a été élue dans les Yvelines contre l’un des piliers de la droite à l’Assemblée nationale, Jacques Myard.

Elle est ensuite désignée présidente de la commission des lois par le groupe LRM. Ses débuts sont alors laborieux et elle se fait remarquer surtout par ses bourdes techniques. Mais, petit à petit, grâce notamment à son style décontracté et spontané, elle se fait adopter par l’opposition, cultivant la collégialité en multipliant les réunions du bureau de la commission. Les relations sont « très bonnes, fluides, voire amicales », salue même avant l’été Eric Ciotti, élu Les Républicains (LR) des Alpes-Maritimes.

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Mais l’affaire Benalla pourrait lui être fatale dans ce scrutin pour le perchoir. Corapporteuse de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale chargée de faire la lumière dans ce dossier, elle a eu le plus mauvais rôle : questionner l’action de l’exécutif alors que la majorité traversait sa première crise politique. Pendant dix jours, elle a été la cible répétée des critiques de l’opposition, qui lui ont reproché d’être aux ordres de l’Elysée.

  • Cendra Motin, l’inconnue

Cendra Motin, le 28 juillet 2017 à l’Assemblée nationale. / JACQUES DEMARTHON / AFP

C’est la moins connue des candidats au sein du groupe de LRM. Consultante en ressources humaines, députée de l’Isère, 43 ans, Cendra Motin a pourtant été vice-présidente de l’Assemblée nationale durant quelques mois, de juin à octobre 2017, et elle a été chargée d’une mission sur le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.

Comme Mme Braun-Pivet, Cendra Motin souhaite être la candidate symbolisant le renouvellement de l’appareil politique. « Richard Ferrand n’est pas identifié au renouveau en politique par nos concitoyens, a-t-elle regretté dans une interview au Journal du dimanche :

« La notoriété c’est bien, mais l’entre-soi, les Français n’en ont plus vraiment envie. Après, je sais que c’est aussi le choix du président de la République, qui a demandé à Richard Ferrand de prendre les rênes de l’Assemblée nationale. Yaël Braun-Pivet et moi, nous sommes dans la même démarche : rappeler aux Français qu’ils ont aussi élu des gens qui ne font pas de la politique comme avant et qui sont prêts à prendre des responsabilités. »
  • Et les autres partis ?

Mathilde Panot, le 1er août, à l’Assemblée nationale. / GERARD JULIEN / AFP

Même s’ils sont minoritaires, les autres groupes parlementaires peuvent présenter un candidat au perchoir. Mais jusqu’ici, seule La France insoumise en a désigné un. Ou plutôt une. Il s’agit de la députée du Val-de-Marne Mathilde Panot. Avec cette candidature, le groupe dirigé par Jean-Luc Mélenchon souhaite pousser les parlementaires, et notamment LRM, à élire une femme au perchoir.

« Il est temps d’élire une femme présidente de l’Assemblée nationale. Une femme parmi les quatre premières personnes de l’Etat ! Il est temps », a ainsi tweeté, mardi, le député des Bouches-du-Rhône. Sur son compte Twitter, Mme Panot écrit vouloir « représenter la voix du renouveau démocratique, social et écologiste à l’Assemblée ».

De leur côté, Les Républicains, premier groupe d’opposition, hésitent encore à présenter un candidat à une élection qu’ils jugent jouée d’avance. Les députés aborderont le sujet en réunion de groupe mardi prochain. Les autres groupes n’ont en revanche pas annoncé s’ils comptaient présenter un candidat ou pas.