Le président français, Emmanuel Macron, lors d’un discours à la Philharmonie Luxembourg, le 6 septembre 2018. / LUDOVIC MARIN / AFP

Le plaidoyer est inhabituel de la part du chef de l’Etat. En chute libre dans les sondages et dépeint par l’opposition en Jupiter de plus en plus isolé à l’Elysée, Emmanuel Macron a tenté de rassurer, jeudi 6 septembre, assurant qu’il restait « à l’écoute » des Français. « On gagne toujours à écouter, à prendre garde, à entendre », a consenti le président de la République, lors d’une conférence de presse donnée au Luxembourg, où il était venu s’entretenir avec les premiers ministres belge, luxembourgeois et néerlandais. Comme s’il avait subitement intégré la nécessité de faire profil bas.

Interrogé sur sa valse-hésitation concernant le prélèvement à la source, qui a jeté le trouble jusqu’au sein de la majorité, M. Macron a reconnu que, « lorsqu’on est à l’orée de prendre une décision sur des sujets importants, il faut toujours écouter nos concitoyens ». « Parce que j’ai écouté les craintes (…), parce que j’ai entendu, on a pu corriger des dispositifs qui étaient mal faits. Alors que nous aurions eu trois millions de Français qui allaient perdre de l’argent dans les premiers mois de l’année 2019, il n’y en aura plus », a-t-il plaidé, en référence à la décision de verser dès le mois de janvier un acompte de 60 % de certains crédits d’impôt.

Popularité en berne

Ce changement d’attitude du chef de l’Etat, jusqu’ici moins prompt à se justifier, intervient alors que sa cote de popularité dégringole depuis le début de l’été. Selon le baromètre Elabe publié jeudi dans Les Echos et sur Radio Classique, seulement 31 % des personnes interrogées disent désormais faire confiance à M. Macron, le niveau le plus bas depuis le début de son mandat. Les trois quarts des Français (74 %) jugent en outre sa rentrée politique mauvaise, selon un sondage Odoxa Dentsu Consulting rendu public aussi jeudi par franceinfo et Le Figaro. « Les Français sont devenus très sceptiques sur la volonté réformatrice de l’exécutif », estime la directrice générale d’Odoxa, Céline Bracq.

Résultat, la Macronie s’inquiète. Ministre le plus expérimenté du gouvernement et soutien indéfectible de M. Macron, Gérard Collomb a appelé l’exécutif à « un peu d’humilité et plus d’écoute des Français ». « En grec, il y a un mot qui s’appelle “hubris”, c’est la malédiction des dieux, quand à un moment donné, vous devenez trop sûr de vous, que vous pensez que vous allez tout emporter », a mis en garde le ministre de l’intérieur, jeudi sur BFM-TV, rappelant que « dans les palais de la République, on perd la capacité de lien et d’écoute avec la population ».

L’opposition s’est elle aussi engouffrée dans la brèche. Jeudi matin, lors de sa conférence de presse de rentrée, Gérard Larcher a dressé un véritable réquisitoire contre le style de la présidence de M. Macron, axé, selon lui, sur « l’hypercommunication », les « effets d’annonces » et « un exercice solitaire du pouvoir ».

Contradictions

Sur un ton plus offensif que jamais, le président du Sénat a fustigé les contradictions d’un président capable de « prôner la République exemplaire et “en même temps” des passe-droits inexplicables et des nominations discutables ». Référence à l’affaire Benalla ou à la récente nomination de l’écrivain Philippe Besson, proche du chef de l’Etat, à la tête du consulat de France à Los Angeles.

Pour cette figure du parti Les Républicains, l’affaire Benalla n’a pas seulement « semé le doute sur la République “exemplaire” » que M. Macron « avait promise », « elle a été l’expression d’une crise plus grave qui tient au mode de fonctionnement de la présidence de la République et à la façon personnelle du chef de l’Etat d’exercer son mandat ».

Pour autant, pas question pour Emmanuel Macron de se laisser paralyser. « Cet esprit d’écoute, cette considération pour nos concitoyens, leurs inquiétudes légitimes, ne doit en rien entraver le cœur du mandat qui m’a été donné par les Français qui est de transformer en profondeur la France », a-t-il déclaré au Luxembourg. « Ecouter, ce n’est pas céder à l’esprit du temps », a averti le chef de l’Etat, déterminé à « mener des réformes importantes, difficiles, dont les pleins effets parfois – je pense à la réforme des retraites – se verront dans cinq ou dix ans, mais qu’on a toujours différées. »