Dans cette vidéo mise en ligne par le groupe Jaguar Land Rover, nous sommes en Angleterre, à Coventry, sur un circuit urbain rudimentaire. Un véhicule sans chauffeur s’arrête sagement devant un passage piéton. Impossible de rater ses yeux gros comme deux phares : ils rappellent le sympathique regard des personnages de Cars, le film d’animation de Pixar.

Ces deux globes sont braqués sur un piéton, qui patiente tout aussi sagement en bord de route. Rassuré par le regard du véhicule, le piéton traverse, suivi attentivement par cette paire d’yeux électroniques qui donnent l’impression d’osciller de gauche à droite.

Ces essais sont le fruit d’une collaboration entre chercheurs du groupe automobile Jaguar Land Rover et ceux de l’entreprise d’Aurrigo, spécialisée dans les voitures autonomes, conceptrice du véhicule utilisé par les chercheurs. Ils s’inscrivent dans une étude plus vaste sur la façon dont les voitures connectées pourraient répliquer les comportements et réactions humains, à laquelle plus de 500 personnes ont participé.

Etablir la communication

Les yeux numériques imaginés par ces chercheurs répondent à un problème que l’industrie automobile a identifié depuis longtemps. Comment faire cohabiter piétons et véhicules lorsqu’on enlève l’humain du siège conducteur ? Les piétons ont appris à anticiper le comportement des chauffeurs : beaucoup cherchent leurs yeux, certains se fendent d’un sourire de remerciement. Mais les piétons ignorent la façon dont les voitures autonomes fonctionnent, d’autant que leur comportement peut changer subtilement au gré des mises à jour logicielles.

Comment être sûr, avant de traverser, que le véhicule vous a bien vu ? Comment établir la communication pour qu’ils apprennent à s’entendre ? Outre Jaguar et Aurrigo, de nombreuses entreprises se sont penchées sur la question et ont imaginé des solutions alternatives.

Par exemple, Ford a imaginé une barre lumineuse, logée en haut du pare-brise, qui tente d’avertir les piétons des intentions de la voiture via des clignotements hélas difficiles à interpréter. Daimler a de son côté logé un petit écran sous la plaque d’immatriculation de son prototype EQ Fortwo pour faire passer des messages lapidaires aux piétons comme « allez-y ».

Le prototype EQ Fortwo de Daimler intègre un grand écran qui associe des signes à des textes courts pour communiquer avec les piétons, les vélos, les conducteurs, etc. / DAIMLER

Mercedes a imaginé projeter l’image d’un passage piéton sur le sol pour inviter dans certains cas les marcheurs à traverser. Semcon a quant à lui doté une voiture d’un grand écran qui sourit aux piétons. En cas d’urgence, un brevet de Google envisage même de leur crier de s’écarter.

Semcon a imaginé un écran monochrome capable d’aborer un sourire pour prévenir les piétons qu’ils peuvent passer. Cette entreprise suédoise développe des produits technologiques pour des clients internationaux. / VOLVO

Les piétons ne sont pas la seule préoccupation des ingénieurs de l’industrie automobile. Ceux-ci souhaitent établir la communication entre les véhicules autonomes et les conducteurs humains avec qui ils partagent la route. La vidéo de promotion de Jaguar et Aurrigo montre la voiture pointer les yeux vers une autre voiture, pour signifier qu’elle l’a bien vue. Les cyclistes sont aussi l’objet d’inquiétudes. Nissan a imaginé un écran, placé sur la lunette arrière du véhicule, qui diffuse des messages du type « je m’arrête » ou « après vous ».

Une question de confiance

Ces expérimentations ne répondent pas seulement à un problème de communication entre voitures robotisées et piétons, cyclistes, ou conducteurs. Elles répondent aussi à un lancinant problème de confiance. Selon une étude de l’Association automobile américaine publiée en mai, 63 % des adultes américains disent qu’ils se sentiraient moins en sécurité s’ils devaient partager les routes avec des véhicules autonomes lorsqu’ils marchent ou roulent à vélo.

Selon un sondage réalisé en septembre 2017 par TNS-Sofres, 65 % des Français disent éprouver de l’appréhension lorsque l’on évoque la voiture sans conducteur. Or, sans la confiance du public, il sera difficile, voire impossible, pour les constructeurs automobiles de vendre des véhicules autonomes. Les constructeurs doivent aussi rassurer les législateurs afin que ceux-ci ne barrent pas la route à leur développement. Les entreprises qui tentent d’enseigner l’art de conduite aux voitures ont donc tout intérêt à soigner leur acceptabilité sociale.