« Marvel Spider-Man » sur PlayStation 4 en 2018.

Vendredi 7 septembre sort Spider-Man sur PlayStation 4, l’une des plus grosses sorties de l’année. Financé par Sony, le géant japonais de l’électronique qui en a fait l’une de ses deux grosses exclusivités 2018 sur sa console, le titre a bénéficié d’un lancement en fanfare : budget de plusieurs dizaines de millions de dollars et influenceurs invités pour un tour de New York en hélicoptère afin d’assurer une promotion spectaculaire.

Le Tisseur n’a pas toujours bénéficié de tant de moyens. Avant le film de Sam Raimi, qui a relancé sa popularité en 2002, il s’agissait même d’un super-héros un peu bis, à l’esthétique vieillissante, et la vedette un peu kitsch d’une vingtaine de productions de seconde zone.

Dans l’ombre de Batman et des Tortues Ninja 

« Spider-Man » en 1982 sur Atari.

Parker Brothers, Load’N’Go Software, Flying Edge… Ses premiers éditeurs de jeux sont essentiellement des entreprises américaines de taille moyenne, à une époque où le Japon domine le secteur. A l’exception de trois productions estampillées Sega of America et réservées pour la plupart à des périphériques de la Mega Drive, Spider-Man n’avait jamais attiré des géants du secteur.

Dans les années 1980 et 1990, Spidy est un super-héros en perte de vitesse éclipsé par Batman et les Tortues Ninja, et ses apparitions s’apparentent souvent à des productions opportunistes au rabais.

En 1982, la première du genre consiste à… escalader une paroi d’immeuble. Nous sommes alors sur Atari, et le jeu pompe assez éhontément Crazy Climber, un jeu japonais de 1980, de la même façon que l’adaptation d’Alien s’inspire alors de Pac-Man (oui).

Atari 2600 - Spider-Man (1982)
Durée : 01:23

De manière anecdotique, le Tisseur s’est également essayé au jeu d’aventure graphique et au jeu de combat en un contre un dans les années 1980, à une époque où ces deux genres étaient encore balbutiants — et le résultat, pour le moins embarrassant. Par la suite, l’homme-araignée a surtout trouvé sa voie sur NES, Game Boy puis Mega Drive et Super Nintendo dans le registre alors très répandu du jeu d’action-castagne en vue de côté, comme Batman, les Tortues Ninja ou encore Alien.

Couleurs criardes

« Spider-Man » en 1991 sur Mega Drive.

Nombre de jeux Spider-Man sont signés au début des années 1990 de LJN ou sa maison mère Acclaim, deux compagnies américaines alors spécialisées dans les adaptations de comics ou de films. Et à l’époque, ce n’est pas vraiment un compliment. Le concept est quelconque, les couleurs souvent criardes, le maniement aride. Même si poser assis au plafond ou au mur fait son petit effet — spéciale dédicace à ce sympathique délinquant en jean vert qui n’a manifestement jamais été programmé pour regarder au-dessus de lui.

D’une manière générale — alors que depuis l’émergence de la 3D et des consoles capables de gérer de vastes terrains de jeu, chaque jeu Spider-Man s’apparente à une sorte de Grand Theft Auto aérien, avec exploration libre de New York — ses premières apparitions en pixels sont beaucoup plus plates.

NES Longplay [173] Spider-Man: Return of the Sinister Six
Durée : 14:41

Plonger dans les Spider-Man d’antan, c’est aussi redécouvrir l’art très rétro de ponctuer des jeux vidéo d’action d’ennemis anecdotiques. Les fans du Bouffon vert ou d’Octopus devront réfréner leur impatience : manette en main, on a vu l’homme-araignée se battre contre de minuscules rats, de petites guêpes, ou, au summum de l’héroïsme, ligoter un malfrat tentant d’extorquer de l’argent à une grand-mère.

On a également croisé des goules, des robots, ou des sagittaires-androïdes-à-corps-d’araignée, et c’était curieux. Les boss, eux, sont plus en rapport avec le standard attendu d’un personnage de Marvel, même s’ils sont généralement peu spectaculaires.

Semblant de vertige

« Venom - Spider-Man: Separation Anxiety » sur PC (1995).

Dire que ces titres sont passés inaperçus est un euphémisme. Les premières aventures vidéoludiques de Spider-Man brillent par leur qualité très oubliable, la faute à leur peu d’originalité, à leur réalisation bateau, et à une prise en main souvent peu accommodante — comme lorsque le personnage parvient à tenir au plafond mais pas à enjamber une corniche.

Sur Mobygames, site collaboratif encyclopédique sur le jeu vidéo, la plupart de ces réalisations tournent autour des 50/100 de note moyenne, avec un plus bas à 43 pour Venom-Spider-Man : Separation Anxiety sur PC et deux pointes à 75 pour Spider-Man Return of the Sinister Six sur Master System et Spider-Man sur Mega Drive.

Les moments d’émoi vidéoludique y sont rares : le moment où, à la manière d’un Bionic Commando sommaire, le héros jette sa toile et se balance au décor dans l’épisode NES ; ou le semblant de vertige quand, dans le premier niveau de The Amazing Spider-Man : Lethal Foes, très rare production japonaise, le héros chute mortellement dans le vide du haut d’un gratte-ciel – comme si la meilleure façon de représenter Spider-Man n’était pas tant de représenter son costume que de supprimer le sol. Mais ces soubresauts d’intérêt restent discrets, comme Peter Parker à cette époque.

The Amazing Spider-Man:Lethal Foes - Super Famicom gameplay
Durée : 04:14

Le Tisseur est alors tellement peu bankable qu’il disparaît même complètement des radars vidéoludiques de 1996 à 2000. La popularité du personnage va connaître un regain express au début des années 2000. Réhabilité comme héros protecteur de New York à la suite du 11 septembre, Spider-Man a également bénéficié du retour à la mode des super-héros observé dès 2000 avec le film X-Men.

La major hollywoodienne Columbia Pictures, filiale de Sony, en fait dès lors sa tête d’affiche. De sa police d’impression partagée avec le logo de la PlayStation 3 au lancement en grande pompe de cet épisode exclusif à la PlayStation 4, l’ancien homme-araignée de seconde zone est revenu au sommet.