• Leonard Bernstein
    Symphonies 1-3. Prélude, Fugue And Riffs
    Divers solistes, chœur et orchestre de l’Académie nationale Sainte-Cécile, Antonio Pappano (direction).

Pochette de l’album « Symphonies 1-3. Prélude, Fugue And Riffs », compositions de Leonard Bernstein. / WARNER CLASSICS

Persuadé que le principal problème du XXe siècle se résume à « une crise de la foi », Leonard Bernstein (1918-1990) a tenté d’y remédier, avec passion et idéalisme, dans trois symphonies au propos existentiel dont la puissance dramatique est ici parfaitement restituée par Antonio Pappano. Ecrite en 1942, la Première, estampillée Jeremiah, confie à une mezzo-soprano des extraits du Livre des lamentations après avoir traduit la Profanation par une séquence orientalisante à la rythmique irrésistible. La Troisième (1977), labellisée Kaddish, mobilise une soprano, un récitant et des chœurs pour une réflexion de grande ampleur. La Deuxième (1949), sous-titrée The Age of Anxiety, ne recourt pas à la voix, mais à un piano solo pour faire écho aux interrogations de l’homme Bernstein. Libre et intemporelle, c’est de loin la plus fascinante. Crise de la foi, peut-être, mais pas de l’inspiration. Pierre Gervasoni

2 CD Warner Classics.

  • Charles Gounod
    Mélodies
    Tassis Christoyannis (baryton), Jeff Cohen (piano).

Pochette de l’album « Mélodies », compositions de Charles Gounod par Tassis Christoyannis (baryton) et Jeff Cohen (piano). / APARTÉ

Artisans de résurrections diverses dans le domaine de la mélodie française sous la férule tutélaire du Palazzetto Bru Zane (David, Lalo, Godard, La Tombelle et Saint-Saëns), le baryton Tassis Christoyannis et le pianiste Jeff Cohen célèbrent cette fois encore avec la même ferveur Charles Gounod (1818-1893) à l’occasion du bicentenaire de sa naissance. De mélodies connues des amateurs de récitals, en pièces plus insulaires sur des textes anglais ou italien, le duo peaufine une musique qui flirte avec l’opéra, et dont l’expressivité est la clé prosodique. La beauté vocale et l’intelligence musicale du premier, alliée au toucher fluide et délicat du second, apportent une nouvelle pépite à l’édifice discographique de Gounod : un album attachant et plein de charme, entre affects et poésie. Marie-Aude Roux

1 CD Aparté.

  • Paul McCartney
    Egypt Station

Pochette de l’album « Egypt Station », de Paul McCartney. / CAPITOL

Tel le visage de Dorian Gray, la voix de Paul McCartney – comme celle de Mick Jagger – a jusqu’ici été miraculeusement épargnée par les ravages du temps, toujours fraîche comme au premier jour. Timbre ou projection, elle accuse de sérieux signes de faiblesse sur Egypt Station, premier album de chansons originales depuis l’énergique NEW (2013), sans qu’à 76 ans, l’ancien Beatle puisse bénéficier de cette patine crépusculaire qui faisait la grandeur d’un Johnny Cash ou d’un Leonard Cohen. McCartney n’en signe pas moins un album de jeune homme, une pop lisse aux paroles légères, tendance qu’accentue le renfort du producteur de Greg Kurstin (Lily Allen, Sia, Adele). De folk à la Blackbird (Happy With You) en boogie-rock mollasson (Who Cares), tout ici a un air de déjà entendu, mais l’autoparodie ne brille pas par ses accroches mélodiques (un comble pour cet expert en la matière), jusque dans la suite Despite Repeated Warnings, qui ne soutient pas la comparaison avec celle d’Abbey Road ou Uncle Albert/Admiral Halsey. Il faut attendre la douzième plage (Do It Now) pour que Sir Paul approche la beauté de Chaos And Creation in The Backyard (2005), son chef-d’œuvre tardif réalisé avec Nigel Godrich, qui l’avait fait sortir de sa zone de confort. Bruno Lesprit

1 CD Capitol.

  • Thomas Dutronc
    Live Is Love

Pochette de l’album « Live Is Love », de Thomas Dutronc. / BLUE NOTE / UNIVERSAL MUSIC

Révélé à un large public en 2007 avec l’album Comme un manouche sans guitare, le guitariste et chanteur Thomas Dutronc propose avec son quatrième disque de le retrouver avec une quinzaine d’extraits de concerts en compagnie de son groupe Les Esprits manouches. Live Is Love constitue ainsi à la fois un recueil des chansons les plus connues de Thomas Dutronc (Comme un manouche sans guitare, J’me fous de tout, J’suis pas d’ici, J’aime plus Paris...) et l’occasion de découvrir des inédits, joués lors de tournées, dont Love, de John Lennon, ou Que reste-t-il de nos amours ?, de Léo Chauliac (musique) et Charles Trenet (texte). Si le swing gitan évoqué dans la composition du même nom est de la partie, Thomas Dutronc et ses camarades vont aussi vers le Brésil (Mademoiselle, Nasdaq) ou la country (J’me fous de tout) avec un égal bonheur. Superbe version d’Aragon, en un moment de grâce et de profondeur émotionnelle. Sylvain Siclier

1 CD Blue Note/Universal Music.

  • Jain
    Souldier

Pochette de l’album « Souldier », de Jain. / COLUMBIA / SPOOKLAND / SONY

La pétulante fraîcheur de Jain, sa capacité à synthétiser malicieusement une mosaïque de styles glanés sous différentes latitudes (Afrique, Moyen-Orient...), tout en croquant avec gourmandise dans le hip-hop, le folk, l’electro ou le reggae, avaient fait triompher Zanaka, son premier album. Le succès commercial est encore au rendez-vous avec Souldier, second opus annoncé par une ritournelle accrocheuse, Alright, illustré d’un excellent clip. A nouveau peaufiné par le compositeur et réalisateur Maxime Nouchy (alias Yodelice, le dernier complice de Johnny Hallyday) et incarné avec l’aide d’un styliste (après la petite robe noire au col Claudine, une combinaison de « travail » bleue aux épaulettes rouges), l’univers autarcique de la jeune Paloise anglophone (forçant sur l’accent jamaïcain) semble s’éloigner du monde réel pour entrer dans celui du dessin animé. Avec ce que cela suppose d’entrain bondissant, mais aussi de saturation de sourires, de bons sentiments, de couleurs enfantines et de musiques de manège. On aimerait trouver une pointe d’insolence, de mystère, mais même les fêlures semblent cautérisées à la barbe à papa. Stéphane Davet

1 CD Columbia/Spookland/Sony.