Ganso ne connaît sans doute pas Goyo Carrizo. Et c’est bien normal. L’homme n’a jamais disputé une Coupe du monde, encore moins gagné sa vie grâce au football. La légende dit pourtant qu’il était presque aussi doué que son voisin de quartier à Villa Florito - bidonville des environs de Buenos Aires - un certain Diego Armando Maradona. Il n’existe pas d’enregistrement pour prouver le talent prêté à Carrizo. Il faut croire sur parole le principal intéressé et ceux qui prétendent l’avoir vu à l’œuvre sur les potreros (les terrains vagues) de Villa Florito.

Dans le cas Paulo Henrique Chagas de Lima dit Ganso, les témoins sont plus nombreux et les preuves stockées sur un fameux site de partage de vidéos. Joueur du Sporting Club d’Amiens depuis le 31 août, le Brésilien est le Goyo Carrizo de Neymar. Mais au départ, les rôles étaient bien différents lorsque les deux gamins enchantent Santos à la fin des années 2000 et réveillent le club mythique de Pelé alors figé dans son glorieux passé. « Si vous aviez demandé en 2010 qui était le meilleur des deux, on vous aurait répondu Ganso », assure même Joao Henrique, correspondant à Paris pour le site brésilien UOL. Mais voilà, l’un a réussi sa mise en orbite, quand l’autre vit encore des promesses d’avant-hier : celles d’un numéro 10 élégant et d’un pied gauche touché par la grâce.

QUANDO GANSO DAVA AULA NO SANTOS!...
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Le talent a cet avantage qu’on a toujours envie de lui faire crédit et à des conditions arrangeantes. Sur le papier, Amiens a recruté un ancien international brésilien (8 sélections entre 2010 et 2012) déjà sur le déclin comme laisserait présager ses deux saisons au FC Séville où il a surtout connu le banc de touche ou les tribunes. A 28 ans, Ganso a envie d’exercer de nouveau sa profession après une dernière saison à sept titularisations seulement. « Ce qui a guidé mon choix en premier, c’était de pouvoir jouer », a expliqué le nouveau venu ce vendredi lors de sa présentation au stade de la Licorne.

Pour l’occasion la moyenne des cinq journalistes pour les points presse habituels a été multipliée par dix. Trois confrères brésiliens ont même fait le déplacement depuis Paris où ils suivent depuis un an le moindre battement de cils de Neymar. « Au Brésil, les gens n’ont pas oublié Ganso. Il reste un nom connu, même si sa carrière est une déception », explique Joao Henrique. En se rapprochant à moins de 150 kilomètres de son ancien coéquipier mais toujours ami, Ganso devine bien qu’il s’expose de nouveau à la comparaison, à cette curiosité bien humaine lorsqu’il s’agit de contempler et commenter deux trajectoires opposées.

« Ganso est un crack »

Sans surprise, une question sur deux évoque le nom de la star du Paris Saint-Germain. Avec le sourire, Ganso répond sans trop donner dans les détails. « J’ai eu l’occasion de parler avec Neymar après ma signature à Amiens. Il m’a souhaité bonne chance, dit-il. J’espère qu’on se verra prochainement avec nos familles prochainement sur Paris. » Le Parisien a toujours eu l’éloge facile à propos de son ancien partenaire, classique dans son apparence (cheveux courts et absence de tatouage sur l’épiderme) quand lui fait de l’excentricité son ordinaire. « Ganso est un crack », répète souvent Neymar en interviews et sur les réseaux sociaux.

Au Brésil, cette phrase se conjuguerait plutôt à l’imparfait. Le gaucher a déçu. La faute à un physique fragile et un jeu qui ne colle pas vraiment à l’époque. Si Ganso peut regarder un Neymar droit dans les yeux au niveau technique, il lui manque ce facteur X qui fait toute la différence dans le football moderne : la vitesse. « Malgré tout son talent, Ganso n’est pas taillé pour le football européen, affirme Cosme Rimoli, chroniqueur influent au Brésil pour le site R7. « A Séville, il a été considéré comme une des pires recrues de l’ancien entraîneur Jorge Sampaoli qui a essayé d’en faire un meneur de jeu reculé à la Pirlo. Mais sans réussite. »

Mais peu importe, Amiens s’est fait une spécialité - comme Guy Roux à Auxerre en son temps - de relancer des espoirs déçus. « Amiens est devenu, dans son ADN, un accompagnant pour des joueurs qui sont en difficulté à trouver du temps de jeu, assume son président Bernard Joannin au micro de RMC. On l’a fait avec Kakuta, on essaie de le faire avec pas mal de joueurs. »

Quand on dispose de l’un des budgets les plus réduits de Ligue 1, il faut avoir des idées, de l’audace et un peu de chance. Dans le dossier Ganso, il a fallu un peu des trois pour obtenir le prêt (avec une option d’achat de sept millions d’euros). Dès le mois de mai, la cellule de recrutement dirigée par l’ancien agent John Williams, vient aux renseignements auprès du FC Séville. Mais si le club andalou est prêt à laisser filer son jouer (acheté neuf millions d’euros en 2016), les solutions ne manquent avec des pistes en Chine, au Brésil ou en Grèce. « On l’a contacté très tôt et on a noué une relation de confiance, détaillait John Williams auprès du Courier Picard. C’est une question de feeling et il aurait pu partir ailleurs. »

Priorité du PSG en 2011

Et jusqu’au dernier moment, Amiens va redouter de voir l’ancienne pépite de Santos lui filer entre les doigts. Surtout quand l’AEK Athènes propose à Séville une offre plus généreuse juste avant la fermeture du marché des transferts. Bernard Joannin remercie encore son homologue sévillan, José Castro Carmona : « Les discussions n’ont pas été évidentes au départ, mais une fois qu’il m’a donné son accord, il n’est pas revenu dessus. Je lui en suis reconnaissant. » A tel point qu’une invitation à découvrir Amiens, sa cathédrale et ses canaux est déjà partie vers Andalousie.

Arrivé mercredi avec femme et enfants, Ganso fait connaissance, lui, avec sa nouvelle ville. Il a téléchargé une application sur son téléphone pour apprendre ses premiers mots de français et échange en attendant en espagnol avec son entraîneur, Christophe Pélissier. Conscient de disposer d’un joueur différent, le technicien entend prendre son temps avec lui. « J’aime jouer avec un meneur de jeu et c’est le poste de Ganso, mais pour autant toute l’équipe ne tournera pas autour de lui, prévient celui qui a mené Amiens du National à la Ligue 1 en deux ans. Il ne faut pas attendre trop de lui trop vite. Il doit d’abord retrouver la confiance et le plaisir de jouer. »

Ganso ne dit pas autre chose. « J’étais triste à Séville. Ce qui a guidé mon choix en premier, c’était de pouvoir jouer, de savoir que je pourrais évoluer dans un championnat fort, dans la sérénité. » Un championnat qu’il avait bien failli intégrer en 2011. Cet été-là, le PSG tout juste passé sous pavillon - et financement - qatarien le courtise avec insistance. Et quand on évoque le sujet avec lui, le Néo-Picard lâche cette phrase qui résume finalement bien sa carrière : « les choses se sont passées comme elles se sont passées ». Aujourd’hui, elles le mènent dans un club dont le Brésil ignorait l’existence il y a encore un an. C’était avant que Neymar ne soit présenté au public du Parc des Princes avant un match face à Amiens.