Johann zarco au Grand Prix d’Autriche le 24 août. / Jean-Aignan Museau

Les sommets lui sont promis. Mais quand les atteindra-t-il ? A 28 ans, Johann Zarco, le plus capé des pilotes français dans la catégorie reine, la Moto GP, et seul tricolore à participer à l’intégralité du championnat, se sait sous pression. « Cette année tout le monde l’attend », souligne Philippe Thiebaut, directeur technique national (DTN) à la Fédération française de motocyclisme.

Mais, entre la catégorie inférieure – le championnat du monde de Moto 2 – sur laquelle il a régné deux années de suite (2015 et 2016), et la Moto GP, il y a un pas, tout sauf simple à franchir. « Il y a des marches à gravir dans une vie. Plus c’est haut, plus c’est difficile, rappelle Philippe Thiebaut. Passer en Moto GP est extrêmement compliqué. »

Johann Zarco peut en témoigner depuis dix-huit mois qu’il est entré dans la catégorie reine, au guidon d’une moto de l’écurie privée Yamaha Tech3, dirigée par Hervé Poncharal. La première année n’a pas été si mauvaise. En mai 2017, pour sa 5e course en Moto GP, Johann Zarco avait fini 2e du Grand Prix de France au Mans, devant un public enthousiaste qui n’avait pas vu un Français sur un podium en GP depuis Régis Laconi en… 1999. Sixième du championnat au terme de la saison, il avait décroché le titre de meilleur « rookie » (débutant).

Cette saison, alors qu’il s’aligne, dimanche 9 septembre, au départ du 13e Grand Prix de la saison à Saint Marin - il partira en neuvième position - il est classé au 7e rang mondial. Mais il court toujours après une première victoire, qui tarde à venir.

Au Mans en mai, après avoir réalisé le meilleur temps aux essais, la victoire lui semblait promise, jusqu’à ce qu’il chute. A Silverstone, le 25 août, il a fini 3e des essais avant que le Grand Prix de Grande-Bretagne soit annulé le lendemain pour cause de pluies diluviennes.

Calendrier provisoire MotoGP 2019

Particularité du championnat de MotoGP 2019, dont le calendrier provisoire a été diffusé le 4 septembre : il débute une semaine plus tôt que cette saison pour permettre aux pilotes et aux teams d’avoir une trêve estivale de quatre semaines. Les villes hôtes restent inchangées par rapport à 2018. A noter pour les néophytes : sur 19 Grand Prix, 4 se courent en Espagne, à Jérez, Barcelone, en Aragon et à Valence.

  • 10 mars : Qatar (Losail), en nocturne
  • 31 mars : Argentine (Thermes de Rio Hondo)
  • 14 avril : Amériques (Austin)
  • 5 mai : Espagne (Jérez de la Frontera)
  • 19 mai : France (Le Mans)
  • 2 juin :Italie (Mugello)
  • 16 juin : Catalogne (Barcelone)
  • 30 juin : Pays-Bas (Assen)
  • 7 juillet : Allemagne (Sachsenring)
  • 4 août : République tchèque (Brno)
  • 11 août : Autriche (Spielberg)
  • 25 août : Grande-Bretagne (Silverstone)
  • 15 septembre : Saint-Marin (Misano)
  • 22 septembre : Aragon (Motorland Aragon)
  • 6 octobre : Thaïlande (Buriram)
  • 20 octobre : Japon (Motegi)
  • 27 octobre : Australie (Phillip Island)
  • 3 novembre : Malaisie (Sepang)
  • 17 novembre : Valence (Ricardo Tormo)

« On va gagner des courses ! »

« Il va gagner », assure Philippe Thiebaut. Pour s’en assurer, Johann Zarco a choisi de procéder à de grands changements. De guidon tout d’abord : en 2019, il troquera sa moto Yamaha Tech3 pour une KTM – écurie où il retrouvera Hervé Poncharal. Ce changement n’a toutefois pas été simple à conclure.

En dépit de ses prestations sur les pistes, saluées par nombre d’observateurs, les portes n’étaient pas simples à ouvrir, que ce soit chez Yamaha, Suzuki ou Honda. « Restait KTM. A chaque fois que KTM revient [en moto GP], ils sont champions du monde. J’ai bien choisi. On va gagner des courses ! », explique Laurent Fellon, l’homme qui coache Johann Zarco depuis quinze ans.

L’idée avec ce départ ? Décrocher le titre mondial, ni plus ni moins. « En 2019 ce serait fantastique, en 2020 en étant raisonnable », anticipe Johann Zarco le 6 septembre. Pour ce faire, ce dernier a pris une autre grande décision : celle de s’émanciper de Laurent Fellon, dont les activités sont recentrées sur le coaching sportif, et de reprendre la main sur la gestion de sa carrière.

Un sacré virage ! L’histoire de Johann Zarco c’est aussi l’histoire de Laurent Fellon : « Son père est venu me voir alors que je travaillais pour Polini [comme préparateur chez l’équipementier italien, en 2003]. Je lui ai fait essayer une Pocket Bike, les minimotos, et il a battu le temps de celui qui venait de remporter la compétition ! », rappelle Laurent Fellon.

En 2003, « Johann avait 13 ans et courait la Red Bull Rookie Cup », course pour pilotes de 125 cm3 deux temps, raconte Philippe Thiebaut, qui reste marqué par sa première rencontre avec le pilote à cette époque : « Il s’exprimait comme un adulte. Il était déjà très ouvert sur le monde, avec beaucoup d’intelligence dans ses analyses. »

Johann Zarco avait débuté la moto quelques années plus tôt seulement, à 9 ans, même si son premier contact avec un deux roues motorisé date de bien avant, « avec le facteur ! Je l’attendais pour monter avec lui et tenir le guidon de sa mobylette ! », confie-t-il.

Entré dans la lumière à 25 ans

A compter de 2003, Laurent Fellon n’a plus lâché son protégé, qu’il a expédié d’emblée en Italie, où la discipline est plus développée que dans l’Hexagone. Au contact des meilleurs, Johann Zarco a vite progressé : vainqueur en 2007 de la Red Bull MotoGP roockie Cup, il passe en Grand Prix catégorie 125 cm3 chez WTR dès 2009.

En France, « Zarco est entré dans la lumière à 25 ans », se souvient Philippe Thiebaut. Le 9 octobre 2015, lorsqu’il est devenu champion du monde en Moto2, quinze ans après le Français Olivier Jacque. Du jour au lendemain, les écuries officielles se sont intéressées à lui.

Le 15 novembre 2017 à Valence, pour sa première année en MotoGP, Johann Zarco, poing en l'air, terminera 6e et meilleur rooky. Au centre son manager Laurent Fellon, pouce levé. / JOHANNZARCO.COM

Ducati lui aurait proposé un contrat. « Très bien conseillé par Laurent Fellon », Johann Zarco a alors dit non, rappelle Philippe Thiebaut. Ce que personne n’a compris à l’époque. Son entraîneur s’en explique : « Si votre fils est en 6e et n’est pas bon, c’est-à-dire pas dans les trois premiers, vous ne le faites pas passer en 5e. Là c’est pareil, sauf qu’en plus la moto c’est dangereux. »

Tactique payante, puisque, pour la première fois dans l’histoire de la Moto2, Johann Zarco conserve sa couronne en 2016. De quoi inquiéter la concurrence. Tout nonuple champion du monde en moto GP qu’il est, l’Italien Valentino Rossi s’est par exemple mis à douter pour sa moto chez Yamaha.

Johann Zarco rejoindra finalement Yamaha Tech 3 où il disposera de « presque » la même moto que Rossi. Et ce dernier sait que ce « presque » fait toute la différence lors d’une course qui se dispute au centième de seconde.

« Je prends de l’autonomie »

« Ce qu’il y a de bon avec Laurent [le coaching], je le garde, même si je prends de l’autonomie sur ma carrière. L’osmose que l’on peut avoir avec une moto sur un circuit demeure », justifie Johann Zarco en parlant des mois à venir. « Il a 28 ans, il a envie de s’émanciper, c’est plutôt une bonne chose », approuve Philippe Thiebaut.

Laurent Fellon comprend, comme un père. Lorsqu’il a eu son propre fils, Lorenzo, en 2004, Johann est venu un temps habiter chez lui et son épouse, professeur de violon. Ensemble, ils ont fondé leur école de pilotage Z & F Grand Prix School. Désormais, il va se cantonner aux entraînements et « aux bords de piste ». Cela tombe bien, « le business me fait peur ».

Dans l’immédiat, Johann Zarco espère finir dans le Top 5 à Saint Marin ce week-end. Et oublier l’image de l’an dernier : en panne d’essence, il avait dû pousser sa Yamaha jusqu’à la ligne d’arrivée.

Laurent Fellon, lui, ne sera pas à Saint Marin. Il se bat aujourd’hui avec l’administration pour faire homologuer une piste à Eyguières (Bouches-du-Rhône), afin que Johann Zarco puisse s’entraîner près de chez lui et se remette dans les conditions de 2015. « Il était bien, en 2015… »