Les classes préparatoires aux grandes écoles se déroulent sur deux ans, avec un ryhtme de travail soutenu. / Alain Le Bot / Photononstop / Alain Le Bot / Photononstop

Comment bien commencer son année en classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE), qu’elle soit scientifique, économique ou littéraire ? Voici les conseils de Béatrice Couairon, agrégée de sciences économiques et sociales et professeure de chaire supérieure en prépa littéraire BL. A l’occasion de cette rentrée, elle complète, avec des questions de ses étudiants, les réponses apportées lors d’un tchat avec des internautes du Monde.fr, sur les livres à lire, la façon de ficher un ouvrage, l’organisation du travail en prépa, l’état d’esprit…

Que faire si on n’a pas lu pendant l’été la longue et démoralisante bibliographie donnée par la prépa ?

Béatrice Couairon : Reprenez confiance, il vaut parfois mieux se plonger dans un travail efficace et concentré que d’avoir traîné vos livres tout l’été sans avoir vraiment réussi à retenir leurs contenus. Donc, à partir de maintenant, c’est l’énergie positive que vous allez déployer qui va être déterminante pour réussir.

Voici quelques solutions. Vous pouvez mutualiser vos lectures avec vos camarades, et vous présenter vos fiches entre vous — cela aidera celui qui présente à retenir le contenu de ses notes, et aidera les autres à mieux comprendre les idées-clés. Voici également un bon plan : le site melchior.fr, développé en partenariat avec le ministère de l’éducation nationale, propose des notes de lecture rédigées par des enseignants, sur des ouvrages de référence (voir, par exemple, celles consacrées à Et si les salariés se révoltaient ? et au Rapport sur les inégalités mondiales).

Pour faire gagner du temps à mes étudiants, j’ai récapitulé toutes les notes de lecture incontournables par thèmes. Comme cela, en révisant un thème, ils peuvent y associer les livres qu’ils pourraient citer pour étayer leurs propos. Attention, il ne s’agit cependant en aucun cas de transformer sa copie de concours en citations successives d’auteurs et de livres !

Qu’est-ce qu’une « bonne fiche de lecture » ?

C’est une fiche très structurée qui pointe les idées des auteurs et les illustre. Elle doit permettre à celui qui l’utilise de faire un travail de réappropriation personnelle, donc ne pas être trop succincte, pour permettre d’entrer dans la pensée de l’auteur et avoir du plaisir aussi à la lire ! On retient mieux ce qui suscite de l’intérêt.

Bien réussir son bac signifie-t-il avoir de très bonnes chances de réussir en prépa ?

Certaines mentions « très bien » vont rencontrer des difficultés en prépa, et d’autres qui ont peut-être moins bien réussi leur bac que prévu peuvent révéler leur talent. Je ne sais pas si vous serez rassuré par cette réponse ! La réussite en prépa, c’est aussi un état d’esprit : un engagement, une envie d’y aller…

Faut-il un profil particulier pour réussir en prépa ?

Il faut surtout avoir envie d’aller en prépa, de se dépasser et avoir une bonne résistance au stress et savoir le gérer. Mais les professeurs sont là pour vous accompagner : ils vous demandent beaucoup, mais ont une très grande disponibilité.

Quels état d’esprit et méthode de travail recommandez-vous ?

En prépa, il ne faut pas chercher à tout faire au mieux : c’est le paradoxe. Il faut identifier assez rapidement les choses très importantes et savoir également lire rapidement. C’est la raison pour laquelle je vous ai donné le site des notes de lecture par exemple. Il vaut mieux s’obliger à survoler une première fois les documents que les professeurs vous donnent à lire, et repérer le type de contenu avant de les ranger, car vous risquez sinon de les oublier. En faisant cela, on peut être étonné de la facilité avec laquelle on retient un chiffre surprenant, une information marquante pour arriver à enrichir son argumentation.

Une méthode de travail efficace ? Travailler par petits groupes de trois étudiants pour s’entraider. Expliquer aux autres est une excellente source de progrès pour chacun, dans toutes les disciplines. Travailler ensemble permet également de mieux maîtriser son stress. L’esprit d’équipe est une valeur importante dans la vie, et la prépa est un bon moment pour le développer.

Faut-il s’entraîner à moins dormir ? Vous avez des trucs ?

Surtout pas ! Le sommeil est indispensable à la mémoire. Choisissez plutôt d’optimiser votre temps de travail : faites la chasse au temps perdu ! Ceux qui craquent en prépa sont justement ceux qui n’arrivent plus à dormir.

Je vous vois comme des sportifs de haut niveau. Il faut entretenir sa forme physique et mentale : imaginez qu’avec la prépa, vous allez vivre un moment fort, excitant, de votre vie, qui va vous apporter énormément de choses mais que l’essentiel, c’est de préserver votre équilibre. Deux ans à un rythme d’enfer ne vous permettront pas de donner le meilleur de vous-même. Et sachez aussi que les concours sont en eux-mêmes extrêmement fatigants. Si vous arrivez fatigué, tout va se mélanger dans votre tête. Et les dopants vont aggraver la situation : stress, manque de sommeil, chute du moral… Ce n’est vraiment pas conseillé !

Conseillez-vous de se créer un planning de travail ?

Oui, c’est même indispensable, et pas seulement en prépa ! Un travail bien organisé permet de se rassurer et d’avoir davantage confiance en soi ; de perdre moins de temps « sans même s’en rendre compte » ; et se donner des objectifs précis avec une contrainte horaire, pour travailler avec une stimulation intellectuelle propice à une bonne concentration. Il est donc important de se faire un planning et de l’ajuster si nécessaire… mais en gardant en mémoire qu’il faut monter en « puissance de travail », donc augmenter progressivement l’efficacité avec laquelle on travaille.

Ménagez-vous aussi des plages de récupération ! Allez faire du sport avec vos camarades, offrez-vous des moments de déconnexion totale pour refaire le plein d’énergie. Ne culpabilisez pas en faisant autre chose, sachez que vous gagnerez en efficacité et en concentration.

Tout le monde nous parle des très mauvaises notes en prépa. Est-ce vraiment le cas, et si oui, comment s’y préparer et/ou les relativiser ?

Il faut avoir un rapport à la note semblable à celui du sportif de haut niveau avec son chronomètre… ou avec la hauteur de la barre. On aime mieux garder en tête la « bonne note bien réconfortante » mais il ne faut surtout pas perdre le moral lorsque les notes sont décevantes. Essayez de comprendre ce qui va vous permettre de progresser (structurer mieux vos idées ? les approfondir ?…). Ne l’oubliez pas, vous êtes venu chercher en prépa une « exigence bienveillante ». Mais si vous accumulez les mauvaises notes, ne faites pas la politique de l’autruche, allez voir vos professeurs et demandez-leur des conseils pour progresser.

Vu le travail demandé, le jeu en vaut-il la chandelle ?

Oui, car la prépa est aussi une école de la vie : avoir deux ans pour essayer de donner le meilleur de soi-même, le jeu en vaut la chandelle, même par rapport à soi. Cela apprend à se connaître. Et c’est aussi pour cela que deux ans de prépa sur un CV, ce sont des années qui sont valorisées.

Auriez-vous un dernier message pour cette rentrée ?

Tout au long de l’année, rappelez-vous que vous êtes bourré de qualités, même si les notes ne seront pas forcément — toujours — à la hauteur de vos espérances. C’est très important de garder confiance en vous et de garder une image positive de vous-même ! Cultivez cette envie d’apprendre qui vous anime, organisez-vous pour travailler en petits groupes.

Je ne vous promets pas du sang et des larmes, mais un hiver un peu rugueux. Si vous avez le blues, dites-le à vos enseignants… En tant que professeure de prépa, je peux vous dire que notre seul objectif est VOTRE réussite !

Bonne chance à toutes et à tous !