De l’Afrique à l’Asie, Parcours des mondes élargit sa palette
De l’Afrique à l’Asie, Parcours des mondes élargit sa palette
Par Philippe Dagen
La 17e édition de la manifestation artistique parisienne réunit 64 galeries à Saint-Germain-des-Prés.
Réunion internationale des galeries spécialistes des arts d’Afrique, d’Amérique indienne et d’Océanie, Parcours des mondes a ouvert sa dix-septième édition, avec désormais une extension vers l’Asie. Elles sont cette année au nombre de 64, réparties dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés, de la rue Mazarine à la rue Bonaparte. Elles sont nord-américaines, britanniques, espagnoles, italiennes et, naturellement, françaises. Lundi 10 septembre, la veille du vernissage, on entendait déjà beaucoup parler anglais, avec plusieurs sortes d’accents, dans les galeries qui avaient entrouvert pour des collectionneurs venus de loin – y compris du Minnesota –, dont la conversation démontrait la compétence et l’envie. La manifestation est devenue un classique de la rentrée parisienne et la principale au monde dans son genre.
Ce qui est logique, car on y voit surgir des œuvres de premier ordre : chez Schoffel de Fabry, une haute sculpture de faîtage d’une « maison des hommes » de Nouvelle-Guinée aussi admirablement sculptée et gravée qu’érodée par le temps ; chez Bernard Dulon, un exceptionnel ensemble de masques Dan à patine sombre, autour d’un des plus célèbres, qui appartint au marchand René Rasmussen ; et, sur le trottoir d’en face, rue Jacques Callot, chez Michael Hamson, un ensemble de statues et masques de Nouvelle-Guinée et Nouvelle-Irlande tout aussi remarquable.
D’autres sculptures de premier ordre : les deux Bamiléké que Bernard de Grunne a apportés de Bruxelles, les effigies féminines Loma et Bambara que le couple Dandrieu-Giovagnoni a fait venir de Rome. Et encore les coupes et cuillères polies et gravées dans la noix de coco en Nouvelle-Guinée chez Anthony Meyer, accompagnées de bronze du Louristan. Et tout ce que l’on pourrait chiner – avec quelques moyens financiers – chez Abla et Alain Lecomte ou chez Finch and Co qui a déménagé de Londres de quoi garnir un cabinet de curiosités.
Travail de chercheurs
Mais ce qui restera de cette édition est le travail de chercheurs qu’ont accompli les galeristes et experts Charles-Wesley Hourdé et Nicolas Rolland. Ils se souvenaient de l’importance historique de l’Exposition d’art africain et océanien qui eut lieu en 1930 à la galerie du Théâtre Pigalle. Grâce à la collaboration de marchands – Charles Ratton, Pierre Loe –, de poètes – Tristan Tzara, André Breton , Paul Eluard –, d’artistes – André Derain, Pablo Picasso –, et de collectionneurs – Félix Fénéon –, elle réunissait une quantité prodigieuse d’œuvres de premier ordre. Si l’art que l’on appelait alors « nègre » – celui d’Afrique – était déjà assez largement reconnu, celui d’Océanie fut, à cette occasion, projeté au premier plan, à égalité avec lui.
Hourdé et Rolland se sont efforcés de retrouver le plus grand nombre possible de pièces exposées à Pigalle, identifiées grâce à des archives et photographies survivantes. Ils en présentent aujourd’hui, rue Visconti, une première vision, en prenant exclusivement dans les collections privées belges et françaises qui leur étaient accessibles. Ce que l’on devinait d’après les rares images en noir et blanc connues jusqu’à présent apparaît avec évidence : il y eut au Théâtre Pigalle une concentration de chefs-d’œuvre comme on n’en vit que fort peu depuis, d’un masque Bété-Gouro qui appartenait à Tzara à un crochet à crâne papou que possédait alors le collectionneur et marchand Bela Hein, en passant par une statue Malangan polychrome de Nouvelle-Irlande du genre de celles que les surréalistes préféraient, et par une grande statue masculine de l’île de Pâques.
La vingtaine d’œuvres retrouvées suffit à suggérer ce que fut cette exposition et pourquoi elle fit une impression aussi profonde sur les contemporains : il n’est guère de journal qui n’en ait alors rendu compte, à Paris et dans la presse provinciale. Ce que l’on comprend moins, c’est pourquoi le Musée du quai Branly-Jacques Chirac, qui conserve une vingtaine d’œuvres exposées en 1930, ne s’est pas associé à l’initiative pour lui donner plus d’ampleur.
L’exposition s’accompagne d’un livre, avec études de spécialistes et riche documentation photographique (Galerie Pigalle : Afrique, Océanie. 1930. Une exposition mythique, Editions HR/Somogy, 344 p., 250 euros).
Parcours des mondes, de 11 heures à 19 heures. Jusqu’au dimanche 16 septembre. www.parcours-des-mondes.com