Michelle Bachelet lors de son discours au Conseil des droits de l’homme, à Genève, le 10 septembre 2018. / DENIS BALIBOUSE / REUTERS

Si les chefs d’Etat et de gouvernement, diplomates et militaires espéraient que l’engagement de la personne occupant le poste de haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, après le remplacement du diplomate jordanien Zeid Ra’ad Al-Hussein, par Michelle Bachelet, allait s’atténuer, ils ont dû être déçus.

Dans son premier discours, lundi 10 septembre, à Genève, pour l’ouverture de la 39e session du Conseil des droits de l’homme, l’ex-présidente chilienne a pointé du doigt les principales préoccupations du moment et n’a guère épargné les pays coupables des pires violations du droit international humanitaire.

Mme Bachelet, deux fois présidente du Chili et ex-directrice de l’agence ONU Femmes, a certes mis en avant ses qualités et ambitions politiques et diplomatiques en indiquant qu’elle sera « à l’écoute des gouvernements » et recherchera « le consensus » entre Etats. Son prédécesseur avait été fortement critiqué pour s’être mis à dos, par ses dénonciations enflammées, à peu près tous les gouvernements de la planète.

La nouvelle haut-commissaire aux droits de l’homme, nommée par le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a toutefois rappelé qu’elle-même a été « prisonnière politique et fille de prisonnier politique » (son père est mort en prison sous l’ère Pinochet et elle a été torturée à la terrible Villa Grimaldi de Santiago), qu’elle a été « réfugiée » et qu’elle a été « médecin pour les enfants victimes de tortures » au Chili. Elle a rendu un hommage vibrant à Zeid Ra’ad Al-Hussein et n’a guère laissé de doute sur son propre engagement en faveur des droits de l’homme.

Sur la question des migrations, Michelle Bachelet a dénoncé l’attitude de certains pays occidentaux, dont les Etats-Unis, la Hongrie, l’Italie et l’Autriche

Le commentaire le plus virulent de ce discours a été adressé à la Birmanie, où des milliers de Rohingya musulmans ont été assassinés depuis un an et d’où environ 700 000 ont été déportés vers le Bangladesh. Elle a souligné « les conclusions extrêmement choquantes » des enquêteurs de l’ONU, qui ont recommandé en août que la justice internationale poursuive six chefs de l’armée birmane pour « génocide et crimes contre l’humanité ». Elle a salué la décision de la Cour pénale internationale (CPI) de se saisir des crimes commis en Birmanie, et a appelé le Conseil des droits de l’homme à « créer un organe international indépendant destiné à recueillir, préserver et analyser les preuves des crimes internationaux les plus graves, afin d’accélérer la tenue de procès ».

Mme Bachelet s’est aussi attaquée – dans une version écrite de son discours remise à la presse mais qu’elle n’a pas lue intégralement – à la Chine pour « les allégations profondément inquiétantes de détentions arbitraires à grande échelle de Ouïgours », après l’accusation formulée en août devant un comité de l’ONU sur le fait qu’un million de membres de cette minorité musulmane de la région du Xinjiang seraient détenus dans des camps.

La haut-commissaire a énuméré divers conflits armés particulièrement inquiétants à ses yeux, notamment l’offensive en cours à Idlib, dans le nord de la Syrie, et la guerre au Yémen. Et elle a ciblé des dizaines de pays où les violations des droits de l’homme sont une préoccupation permanente pour son équipe.

Elle s’est par ailleurs longuement exprimée sur la question des migrations, dénonçant l’attitude de certains pays occidentaux dominés par des gouvernements aux politiques anti-migratoires contraires aux droits de l’homme, dont les Etats-Unis et, en Europe, la Hongrie, l’Italie et l’Autriche. « Eriger des murs, engendrer délibérément de la peur et de la colère chez les migrants, priver les migrants de leurs droits fondamentaux » est une politique qui n’offre, selon elle, que « davantage d’hostilité, de misère, de souffrance et de chaos ».

Michelle Bachelet a rappelé qu’aussi loin que remonte l’humanité, « les gens ont toujours bougé en quête de refuges et d’opportunités », estimant qu’ils sont actuellement 250 millions dans ce cas, sur une planète de 7,5 milliards d’habitants. Elle-même avait trouvé refuge en Australie puis en Allemagne lorsqu’elle fut libérée de la prison où elle était torturée par les militaires chiliens, avant de retourner dans son pays après quatre années d’exil.

La Chine appelle Michelle Bachelet à respecter sa souveraineté

Réagissant aux propos de la haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme et ex-présidente de la République du Chili, Michelle Bachelet, s’inquiétant des « détentions arbitraires à grande échelle de Ouïgours » par la Chine, Pékin a rappelé, mardi 11 septembre, Mme Bachelet au respect de la souveraineté du pays.

« La Chine exhorte la haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme à respecter scrupuleusement la mission et les principes de la charte des Nations unies, à respecter la souveraineté de la Chine, à exécuter ses missions de manière honnête et objective et à ne pas écouter les informations partiales », a déclaré le porte-parole du ministère des affaires étrangères chinois, Geng Shuang, lors de son point de presse quotidien.

Selon, le gouvernement chinois, le Xinjiang, région autonome de l’ouest de la Chine difficile d’accès, est confronté à la menace des islamistes et des séparatistes qui attisent les tensions entre les Ouïgours, minorité musulmane et turcophone qui estime que cette région est la sienne, et les membres de l’ethnie majoritaire en Chine, les Hans.

Les mesures de sécurité dans le Xinjiang ont été considérablement renforcées ces deux dernières années, avec la mise en place de barrages policiers de contrôle d’identité, de centres de rééducation ainsi qu’une collecte massive de l’ADN.