Le premier ministre hongrois Viktor Orban, lors de son allocution devant le Parlement européen de Strasbourg, mardi 11 septembre. / Jean-Francois Badias / AP

« Je vais parler très lentement, ce vote est délicat », avait prévenu Antonio Tajani, le président du Parlement européen, qui présidait la séance du vote de l’hémicycle strasbourgeois, sur le déclenchement d’une procédure exceptionnelle liée au respect de l’Etat de droit en Hongrie.

Hautement symbolique, le rapport sans concessions de l’élue verte néerlandaise Judith Sargentini sur la politique du premier ministre Viktor Orban, a, finalement, été adopté, mercredi 12 septembre. Et à une large majorité : 448 voix pour, 197 contre et seulement 48 abstentions.

L’article 7 des traités de l’Union, procédure aussi exceptionnelle que stigmatisante, actionnée qu’une fois dans l’histoire de l’UE (par la commission contre la Pologne fin 2017), va donc pouvoir être activée à l’encontre du gouvernement de Viktor Orban, toujours membre du Parti conservateur européen (PPE) mais devenu coqueluche des droites extrêmes européennes pour sa politique antimigrant.

Par ce vote, hautement symbolique, le Parlement de Strasbourg dénonce des « risques de violation grave de l’Etat de droit en Hongrie ». Mais la procédure de l’article 7 est longue et son efficacité n’a encore jamais été prouvée : pour l’heure, Varsovie a refusé d’amender substantiellement ses réformes de la justice, jugées hautement problématiques par la Commission.

Le PPE détenait les clés du vote

Une fois l’article 7 recommandé au Conseil, les Etats membres doivent encore se saisir de la procédure : une majorité des quatre cinquièmes des votants est requise. S’ensuivent des consultations avec le gouvernement du pays concerné. En théorie, l’article 7 peut déboucher, si l’Etat membre n’est absolument pas coopératif, sur une suspension de ses droits de vote au Conseil, à savoir une quasi-exclusion du jeu européen. Un scénario très hypothétique dans le cas de la Pologne, a fortiori dans celui de la Hongrie.

Il fallait que deux tiers des suffrages exprimés dans l’hémicycle approuvent le rapport Sargentini. Le changement d’attitude des caciques du PPE, jusqu’à présent très tolérants à l’égard de la politique anti-Bruxelles et antimigrant de M. Orban a été déterminant. Avec 218 élus, le PPE détenait, en effet, les clés du vote.

Mardi 11 septembre, après que M. Orban a livré un nouveau discours sans concessions à Strasbourg, dénonçant un « chantage » de l’Union, Joseph Daul, le président du PPE – un Alsacien aussi discret qu’influent, réputé proche de la chancelière Merkel – avait tweeté : « L’Union européenne est fondée sur la liberté, la démocratie, l’égalité, l’Etat de droit, le respect des droits de l’homme et une société civile libre. Le PPE ne fera pas de compromis là-dessus, quelle que soit l’affiliation politique. »

Un peu plus tard, Manfred Weber, chef de file du PPE à Strasbourg et candidat à la succession de M. Juncker à la présidence de la Commission, précisait qu’il allait voter « en faveur de l’article 7 ». Il a de nouveau tweeté mercredi matin, juste avant le vote : « aujourd’hui, je voterai en faveur de l’activation de l’article 7 pour la #Hongrie. J’ai toujours été favorable au dialogue et je continue à l’être, mais hier je n’ai constaté aucune volonté du PM hongrois de faire un pas vers nous. »

Un axe de campagne pour les européennes

La question va maintenant être de savoir si le PPE, qui, jusqu’à présent, s’y refusait, va maintenant prendre la décision d’exclure M. Orban, à tout le moins de le suspendre en attendant un sommet du parti, début novembre à Helsinki. Ces dernières heures, le parti était très divisé. En réunion de groupe, en présence de M. Orban, mardi soir, aucun élu PPE n’a demandé le « départ de M. Orban », selon plusieurs sources internes.

Beaucoup estiment qu’il ne faut pas céder aux « manœuvres » des autres partis politiques, extrême droite, sociaux-démocrates ou libéraux, qui rêvent de déstabiliser le PPE en lui faisant perdre son statut de premier parti de l’Union. Laisser partir M. Orban serait, de fait, prendre le risque de se priver d’une partie des sensibilités est-européennes et très droitières du parti paneuropéen.

Prudent, Manfred Weber, qui joue sa candidature sur ce bras de fer à venir entre Budapest et les institutions de l’Union, est resté très prudent, mercredi matin, sur Twitter : « le@EPPGroup souhaite maintenir le dialogue et continuer à préserver l’unité de l’Europe. Les semaines qui viennent doivent permettre de commencer le dialogue, pas d’y mettre fin. Les valeurs européennes ne sont pas négociables pour nous. »

« Il y a dix ans de cécité et de silence coupable sur ce qui se passe en Hongrie, en particulier de la part de ceux qui pensent qu’au motif que s’opposer au populisme, c’est le nourrir, ont préféré s’accommoder du populisme et le laisser grandir », déclarait Nathalie Loiseau, ministre française des affaires européennes à Strasbourg mercredi matin, quelques heures avant le vote.

« Ce sera au PPE de prendre sa décision. Mais j’aurais du mal à comprendre que des partis dits de centre droit affichant des valeurs européennes fortes et leurs croyances dans les valeurs fondamentales constatent qu’une forte majorité du Parlement considère qu’il y a risque fort de violation de l’Etat de droit en Hongrie, mais que le Fidesz reste bienvenu dans le PPE. »

M. Macron a fait de son opposition à M. Orban et à sa vision ultra-nationaliste un des grands axes de sa campagne pour les européennes.