L’avis du « Monde » – à voir

Grâce au travail continu d’un distributeur comme Eurozoom, l’animation japonaise est de plus en plus représentée sur les écrans français. Okko et les fantômes, en compétition au Festival d’Annecy cette année, appartient à la double frange des fables enfantines et des chroniques campagnardes, dont le modèle fut peut-être donné par Mon voisin Totoro (1988), l’un des chefs-d’œuvre de Hayao Miyazaki.

C’est d’ailleurs auprès du maître que le réalisateur Kitaro Kosaka, animateur chevronné de 56 ans, a longtemps travaillé (dès 1984, il collabore à Nausicaä de la vallée du vent), au point de devenir l’un de ses plus proches et fidèles collaborateurs. Okko et les fantômes est inspiré d’un succès de la littérature pour enfants de l’écrivaine Hiroko Reijo, déjà décliné en mangas et série télévisée. Il a été développé au sein du studio Madhouse, actif depuis 1972 et producteur de quelques fleurons du genre (Gen d’Hiroshima, Perfect Blue, Summer Wars).

Le récit s’ouvre, de façon inhabituelle, sur un événement traumatique, amené toutefois avec tact et prévenance

Le récit s’ouvre, de façon assez inhabituelle, sur un événement traumatique, amené toutefois avec tact et prévenance. Okko, une enfant sage et éveillée, est victime d’un accident de la route dans ­lequel ses deux parents trouvent la mort. Elle part s’installer chez sa grand-mère, qui dirige un ­minshuku (une auberge traditionnelle) dans une station thermale au cœur d’une région montagneuse. L’orpheline s’acclimate comme elle peut (les insectes la rebutent), rencontre les employés de l’établissement, mais aussi le fantôme inoffensif qui hante les lieux, sous les traits d’un petit garçon facétieux nommé Uribo.

Invisible aux yeux des adultes, Uribo convainc Okko d’aider son aïeule dans la gestion de l’auberge, pour la soulager et garantir sa succession. L’apprentissage n’est pas aisé pour la petite fille, qui doit surmonter sa maladresse et sa ­timidité. Mais d’autres esprits, ­apparus dans le sillage d’Uribo, vont l’aider à la tâche.

« On ne rejette personne »

Kitaro Kosaka a retenu l’option du trait simple et peu détaillé pour rendre plus souples et fluides les gestes et expressions émotionnelles de ses personnages. Les fantômes servent ici plus ou moins d’objets transitionnels, ­accompagnant l’évolution de la petite orpheline vers une forme de maturité. Ils émeuvent surtout en ce qu’ils incarnent des figures du deuil : esprits des enfants ­décédés du voisinage, ils sont ­dépositaires du passé des adultes, de leur histoire intime, et veillent ainsi sur eux. Mais le registre fantastique du film, plutôt convenu et sans grande fantaisie plastique, n’est sans doute pas ce qu’il a de meilleur à offrir.

Ainsi Okko et les fantômes ne semble-t-il commencer vraiment que dans un second temps, lorsque le fantastique cède ­doucement le pas à la chronique d’apprentissage. Okko se retrouve confrontée à plusieurs cas épineux de visiteurs dont elle doit satisfaire au mieux les besoins : un adolescent rebelle, une dépensière ruminant un chagrin d’amour, un père de famille privé d’un rein et soumis à un régime strict.

L’établissement s’apparente bientôt à une sorte d’hospice des cœurs brisés, où les infirmes et les accidentés de l’existence viennent chercher réconfort et soulagement. « On ne rejette personne », telle est la devise tacite de l’auberge, et l’apprentissage que fait Okko du service au client s’avère surtout celui du soin, de la compréhension et du don de soi – jusqu’à un cas de conscience particulièrement retors. C’est dans ce registre réaliste et sensible, attentif aux enjeux des auberges traditionnelles (et à leur ­concurrence avec les hôtels de luxe), que le film trouve son véritable rythme de croisière et finit par toucher en plein cœur.

OKKO ET LES FANTOMES - Teaser - Au cinéma le 12 septembre
Durée : 01:00

Film d’animation japonais de Kitaro Kosaka (1 h 35). Sur le Web : www.facebook.com/OkkoLeFilm