Viktor Orban, au Parlement européen, à Strasbourg, le 11 septembre. / VINCENT KESSLER / REUTERS

Editorial du « Monde ». Mieux vaut tard que jamais. En votant, mercredi 12 septembre, par 448 voix contre 197, en faveur du déclenchement d’une procédure contre la Hongrie pour atteintes à l’Etat de droit, le Parlement européen a enfin envoyé un signe fort de son engagement pour la défense des valeurs démocratiques fondatrices de l’Union européenne (UE). Dans la bataille qui divise l’Europe depuis la montée du populisme, ce vote constitue un moment historique : celui où le camp des valeurs fondatrices reprend l’offensive.

C’est, sans doute, un moment politique plus que juridique. En dépit de son surnom d’« option nucléaire », la procédure de l’article 7 du traité sur l’UE, déjà engagée contre la Pologne pour la même raison, le 20 décembre 2017, est longue et incertaine. Nul ne sait à quoi exactement elle aboutira ni en combien de temps. Mais le débat qui a eu lieu, le 11 septembre, au Parlement européen, la veille du vote, en présence du premier ministre hongrois, Viktor Orban, qui avait fait le déplacement, a permis de clarifier les lignes de fracture. M. Orban s’est montré clair dans ses convictions nationalistes, déterminé dans sa volonté de résister à ce qu’il a qualifié de « chantage » de la part de Bruxelles. Parmi les nombreux députés qui se sont exprimés, en dehors de ceux de son propre parti, les seuls soutiens du gouvernement hongrois sont venus de l’extrême droite.

Danger d’éclatement du PPE

La clé de ce vote se trouve évidemment dans le revirement des dirigeants du Parti populaire européen (PPE), la formation regroupant la plupart des partis de droite et de centre droit au Parlement, et dont est membre le parti de M. Orban, le Fidesz. Trop longtemps, depuis le retour au pouvoir de Viktor Orban, en 2010, le PPE a refusé d’affronter la réalité de l’évolution antidémocratique de sa politique, soucieux de préserver son rôle de premier parti au Parlement européen. La Pologne, dont le parti au pouvoir, Droit et justice (PiS), n’est pas membre du PPE, en a même pris ombrage, faisant valoir, en privé, que si Bruxelles se montrait plus sévère à son égard qu’à l’égard de la Hongrie, c’était parce que le PiS ne bénéficiait pas de la protection du PPE.

Pourquoi le vent a-t-il tourné ? Les motivations du PPE sont probablement moins nobles qu’il n’y paraît. D’abord, Manfred Weber, le chef du PPE, membre de la CSU bavaroise, a déclaré sa candidature au poste de président de la Commission européenne pour succéder à Jean-Claude Juncker, qui se retire en 2019 ; M. Weber peut difficilement partir au combat le boulet Orban accroché au pied.

Ensuite, les grandes manœuvres de recomposition politique en vue des élections européennes de mai 2019 ont commencé. Sous l’impulsion d’Emmanuel Macron, les représentants de La République en marche parcourent l’Europe à la recherche d’alliés pour fonder un nouveau mouvement susceptible d’affronter la mouvance nationaliste à l’échelle européenne. Le danger d’éclatement du PPE entre partis de la droite conservatrice et partis du centre droit est réel, ces derniers menaçant de rejoindre un éventuel bloc progressiste, si le Fidesz n’était pas amené à résipiscence. Il fallait donc agir.

Ce n’est que le début et, pour l’heure, le Fidesz reste membre du PPE. Mais il y a eu un vote et le courant chrétien-démocrate, qui a joué un rôle si important dans la création de l’UE, a été placé devant ses responsabilités. Que le résultat du vote ait été si clair est une très bonne nouvelle pour l’avenir de la démocratie européenne.