Les smartphones les plus chers d’Apple sont disponibles dans une finition qui évoque un lingot d’or. / APPLE

C’est un détail révélateur qui braque les consommateurs après la « keynote » d’Apple du 12 septembre. Au fond des boîtes d’iPhone, l’adaptateur audio s’est volatilisé. Apple l’a supprimé des accessoires fournis avec ses nouveaux modèles, ainsi que de ses anciens. Pour brancher un casque audio filaire à un iPhone 7 ou un modèle plus récent, qui ne permettent par défaut qu’une connexion Bluetooth aux écouteurs, il faut désormais acheter ce petit accessoire séparément. Il en coûte dix euros.

Les ventes de cet adaptateur ne gonfleront probablement pas significativement les marges commerciales déjà gargantuesques d’Apple, dont la capitalisation boursière a dépassé les 1 000 milliards de dollars, et dont la vertigineuse trésorerie dépasse les 200 milliards de dollars. Les dernières annonces de la marque californienne risquent en revanche d’entamer son précieux capital sympathie.

Trois iPhone aux tarifs lunaires

La marque semble en effet avoir oublié toute mesure en tarifant ses trois nouveaux iPhone à des prix records. Le moins onéreux, l’iPhone Xr, est facturé 859 euros dans sa version 64 Go, à comparer aux 808 euros demandés l’année dernière pour l’iPhone 8 — qui était le moins cher des mobiles annoncés durant la keynote 2017. Quand au smartphone le plus coûteux de la nouvelle gamme Apple, le XS Max, il est facturé 1 659 euros dans sa version la plus chère avec 512 Go de stockage. Une somme proche du salaire médian français, qui s’élevait à 1 797 euros par mois en 2015, selon l’Insee. L’année dernière, le modèle d’iPhone au tarif le plus élitiste, le X, coûtait déjà la somme record de 1 329 euros.

Le prix d’entrée pour un iPhone se situe désormais à 529 euros, la somme demandée pour l’iPhone 7, le mobile le moins coûteux du nouveau catalogue. Il prend la place du SE, dont la commercialisation s’arrête, alors que la veille de la keynote, il coûtait seulement 489 euros.

Dix années de hausse des prix

Lorsqu’on prend le temps de scruter dix années d’évolution tarifaire des iPhone, leur prix croît de façon constante.

Il convient, certes, de tempérer l’impression laissée par cette courbe. Depuis une décennie, les caractéristiques des iPhone ont changé : les nouveaux modèles disposent parmi les écrans les plus larges jamais conçus pour ces appareils (jusqu’à 6,5 pouces pour l’iPhone Xs Max). Des smartphones de taille XXL qui sont actuellement les plus plébiscités par les acheteurs de smartphones, et sur lesquels misent les constructeurs pour tenter de dynamiser le marché… tout en admettant qu’ils coûtent plus cher à produire.

Depuis une décennie, la mémoire des iPhone n’a également pas cessé de grandir. En 2007, le tout premier modèle embarquait seulement 8 Go de mémoire. Depuis 2017, les nouveaux iPhone intègrent tous 64 Go dans leur version la moins coûteuse. Pour beaucoup de consommateurs, une mémoire de 64 Go est un bon choix pour éviter les soucis de saturation. Voici toutefois à quoi ressemble la courbe des prix des iPhone dotés de 64 Go de mémoire depuis 2011 :

A mémoire égale, les prix des iPhone se sont donc bien envolés. L’évolution est d’autant plus saisissante que cette année, les trois nouveaux iPhone n’apportent rien de révolutionnaire à la formule de l’iPhone X inaugurée l’année dernière. Les slogans distillés par Apple pendant sa présentation du 12 septembre n’y changent rien : selon notre première analyse, même si nous attendons encore l’opportunité de les tester, ces nouveaux iPhone n’apportent que des améliorations mineures (cœurs plus rapides, écrans plus grands, capteur photo amélioré, reconnaissance faciale plus rapide). Au quotidien, l’impact de ces évolutions (plus que des innovations) sur la capacité des iPhone à rendre davantage de services aux utilisateurs devrait être limitée. Beaucoup de consommateurs risquent même de ne percevoir aucune différence.

Cette stagnation technologique contraste avec l’époque où les smartphones progressaient à toute vitesse, avec des innovations comme la coque en aluminium, l’Internet haut débit, l’écran haute résolution. Elle met en lumière une évolution plus vaste et plus significative. Depuis cinq ans, les fabricants de smartphones peinent à innover de façon spectaculaire sur un rythme annuel : l’innovation a beaucoup ralenti, les smartphones sont arrivés à maturité.

Les appareils sous Android n’ont jamais été aussi attirants

Or lorsqu’un produit stagne, son tarif a mécaniquement tendance à baisser. C’est d’ailleurs ce qui arrive aux smartphones Android depuis plusieurs années, malgré les efforts de constructeurs comme Samsung pour maintenir l’attractivité des modèles haut de gamme.

La face avant du Honor Play ressemble beaucoup à celle des nouveaux iPhone. / HONOR

On trouve désormais d’excellents smartphones — beaux, bien finis, polyvalents, performants — autour de 450 euros. Notre comparatif daté de mai 2018 l’a confirmé. Les écarts entre les smartphones haut de gamme et moyen de gamme ne cessent de se réduire. Certains modèles à prix moyens ressemblent étrangement aux smartphones premium d’Apple : comme eux, leur façade avant est mangée par un écran immense, dont le sommet est fendu d’une étrange encoche. L’un d’eux, le Oneplus 6, capture des photos de qualité au moins comparable à celles de l’iPhone X.

Plusieurs fabricants chinois ont hissé la qualité de leurs smartphones à un niveau relativement proche de celui des iPhone, pour un tarif deux à trois fois moins élevé, et cela laisse songeur. Ces dernières semaines, deux modèles particulièrement accessibles ont fait leur apparition, le Pocophone F1 (360 euros) et le Honor Play (330 euros), deux smartphones prometteurs que nous testons actuellement.

Le prix des smartphones Android s’effondre donc tandis que, de l’autre côté de la barrière, dans l’univers clos d’Apple, les consommateurs ne bénéficient d’aucun tassement tarifaire. Bien au contraire, puisque contre toute logique, les tarifs des iPhone renchérissent. Un écart béant sépare désormais ces deux familles. L’immense machine à désirs qu’est Apple serait-elle devenue trop gourmande ?

Atouts et défauts dans la balance

Les smartphones d’Apple conservent bien sûr des atouts, dont voici les principaux. La qualité des applications disponibles dans l’App Store reste meilleure. Les menus des iPhone demeurent un peu plus clairs. Leur logiciel central iOS bénéficie régulièrement d’améliorations et de pansements de sécurité qui profitent à de très nombreux iPhone, jusqu’à cinq ans d’âge. Le système de reconnaissance faciale des iPhone les plus récents demeure plus sûr et plus simple que celui des smartphones Android.

Aux yeux d’un consommateur averti, ces atouts peuvent paraître modestes en regard de l’écart tarifaire avec ses concurrents Android, d’autant que les iPhone ont aussi des faiblesses récurrentes. Leur mémoire n’est pas extensible par carte mémoire, on y accède difficilement depuis un ordinateur, leurs menus sont moins personnalisables que ceux d’Android. Pour les clients d’Apple, la question de la migration vers Android se pose de plus en plus clairement. L’opération est assurément une expérience pénible, mais elle est plus tentante que jamais.