La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné jeudi 13 septembre le Royaume-Uni pour violations de la vie privée et à la liberté d’expression dans l’affaire des interceptions massives de données numériques révélée par Edward Snowden.

La CEDH était saisie par 16 requérants : des organisations de défense des droits des citoyens ou des droits de l’homme (comme Big Brother Watch), le Bureau of Investigative Journalism ainsi que des journalistes d’investigation.

L’arrêt de la CEDH, long de plus de 200 pages, était attendu : les systèmes de surveillance massive des communications électroniques d’autres pays, dont la France, font également l’objet de requêtes devant la Cour européenne des droits de l’homme, située à Strasbourg.

Les articles 8 et 10 bafoués

Dans son jugement publié le 13 septembre, la juridiction du Conseil de l’Europe ne juge pas que la seule utilisation d’un système d’interception massive des communications par le Government Communications Headquarters (GCHQ – l’agence de renseignement britannique) est contraire aux droits de l’Homme.

La CEDH, s’appuyant les pratiques révélées par les documents rendus publics par Edward Snowden, estime cependant qu’il n’était pas assorti de garanties juridiques suffisantes pour les citoyens et les journalistes. Cet avis, précise la cour, a été rendu sans prendre en compte la situation créée par l’Investigatory Powers Bill, une loi sur le renseignement adoptée en 2016 au Royaume-Uni et très largement critiquée par les organisations de défense des libertés.

Les juges donnent ainsi en partie gain de cause aux requérants. Selon eux, les interceptions massives de communication par le GCHQ et les dispositions prises pour obtenir ces données auprès des fournisseurs d’accès à Internet ont violé l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme sur le « droit à la liberté d’expression ». Celui-ci évoque notamment la « liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques ».

Les interceptions massives et le dispositif d’obtention des données auprès des fournisseurs d’accès ont également, selon les juges, violé l’article 8 de la Convention européenne sur le droit au respect de la vie privée.

Les juges de la CEDH se disent, à cette occasion, particulièrement préoccupés « par l’absence de toute garantie » sur la protection du secret des sources des journalistes.

Dans un tweet, le lanceur d’alerte Edward Snowden a bien sûr salué, sur son compte Twitter, la décision européenne :

« Pendant cinq ans, les gouvernements ont nié que la surveillance de masse violait nos droits. Et pendant cinq ans, nous les avons poursuivis dans les couloirs de tous les tribunaux. Aujourd’hui, nous avons gagné. Ne me remerciez pas, remerciez ceux qui n’ont jamais cessé de se battre. »

Possibilité d’appel

La CEDH a en revanche débouté les requérants sur deux points. Le partage de renseignements avec des pays étrangers est jugé suffisamment encadré par les juges ; tandis que la Commission des pouvoirs d’enquête, un organe spécialement chargé de l’examen des plaintes pour ingérence illicite des services de sécurité dans les communications, offre selon elle un recours adéquat.

L’arrêt, rendu par une majorité des juges, est susceptible d’appel. Selon les documents dévoilés en 2013 par Edward Snowden, le lanceur d’alerte américain qui a révélé l’ampleur des écoutes de l’agence de sécurité américaine NSA, les services de renseignement britanniques, principalement le GCHQ, sont un acteur majeur de la surveillance des communications mondiales. Ceux-là ont aussi largement partagé les renseignements recueillis avec leurs homologues états-uniens.