Une petite fille devant la grille d’une école où elle s’est réfugiée avec sa famille après avoir été évacuée d’un village voisin, près de Hodeidah, au Yemen, en juin. / ABDULJABBAR ZEYAD / REUTERS

Les Etats-Unis ont « certifié » que l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis prenaient des « mesures manifestes » pour tenter d’épargner les civils au Yémen, une condition indispensable pour continuer à soutenir ces alliés-clés de Washington dans leur intervention controversée.

Mais dans son rapport rendu au Congrès pour étayer cette décision, dont l’AFP s’est procuré une copie mercredi, le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo « reconnaît » un nombre « bien trop élevé de victimes civiles » causées par la coalition militaire sous commandement saoudien, et assure « faire pression au plus haut niveau » sur ces deux pays pour qu’ils « renforcent » leurs précautions.

La décision américaine, dénoncée par des organisations humanitaires et des élus, intervient en effet un mois seulement après un raid de la coalition qui a coûté la vie à 40 enfants et suscité un tollé international. Et quelques jours seulement après l’échec de pourparlers de paix à Genève.

Soutien logistique maintenu

Une loi américaine imposait à l’administration de Donald Trump une telle certification au Congrès pour maintenir inchangé son soutien logistique à ces deux pays arabes dans leur combat contre les rebelles Houthis alliés de l’Iran, bête noire des Américains.

En cas de non-certification, les Etats-Unis auraient dû cesser de ravitailler les avions saoudiens ou émiratis, qui interviennent depuis mars 2015 dans ce conflit régional qui a fait 10 000 morts en trois ans.

Conformément à cette loi, « j’ai certifié hier au Congrès que les gouvernements d’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis prennent des mesures manifestes pour réduire le risque contre les civils et les infrastructures civiles dans le cadre de leurs opérations militaires », a annoncé mercredi Mike Pompeo.

Selon son rapport non classifié, leur coalition a notamment « modifié ses règles d’engagement pour prendre en compte des recommandations américaines » et le gouvernement saoudien s’est engagé à financer des formations américaines pour que ses pilotes « minimisent les victimes civiles ».

Le chef de la diplomatie américaine a aussi assuré que Riyad et Abou Dhabi engageaient « des efforts diplomatiques urgents et de bonne foi pour mettre fin à la guerre civile au Yémen ». Il a enfin promis de « continuer à travailler étroitement avec la coalition menée par les Saoudiens » pour qu’elle « permette un accès sans entraves » à l’aide humanitaire.

« Mascarade »

Depuis 2015, le Pentagone fournit un « soutien non-combattant » à la coalition menée par l’Arabie saoudite au Yémen, sous la forme d’armes, de renseignement et de ravitaillement aérien. Ce soutien « promeut les priorités de la sécurité nationale américaine », notamment s’agissant des efforts pour « contrecarrer le comportement déstabilisateur de l’Iran », justifie une fois de plus le département d’Etat dans son rapport.

Mais cette aide fait grincer des dents de nombreuses organisations de défense des droits de l’Homme ainsi que des élus américains des deux bords, qui ont imposé au gouvernement cette demande de « certification ». Or fin août, une mission d’experts des Nations unies a conclu que tous les acteurs du conflit au Yémen avaient commis de possibles « crimes de guerre ». Leur rapport souligne aussi que les frappes de la coalition sous commandement saoudien « ont causé le plus de victimes civiles directes ».

Le département d’Etat avait assuré fin août prendre « au sérieux » le rapport de l’ONU. « Rien ne peut justifier de tels crimes, s’ils ont effectivement eu lieu », avait-il dit.

Des « erreurs »

Les forces menées par Riyad ont dû reconnaître des « erreurs » après le raid contre un bus et promis des sanctions contre les responsables. « L’administration Trump place ses alliés du Golfe avant les familles yéménites qui luttent pour leur survie », a déploré l’organisation humanitaire Oxfam après la décision américaine, dénonçant un soutien qui « ne fait qu’attiser la plus grave crise humanitaire au monde ».

Une sénatrice à l’origine de la demande de certification, la démocrate Jeanne Shaheen, a elle accusé l’administration Trump d’« éluder délibérément le contrôle du Congrès », estimant que les « bombardements aveugles de la coalition sous commandement saoudien » ne respectaient en rien les exigences américaines visant à minimiser les victimes civiles.

« La certification de Pompeo est une mascarade », a aussi protesté sur Twitter l’élu démocrate Ro Khanna. « Les Saoudiens ont délibérément bombardé un bus rempli d’enfants. Il n’y a qu’une réponse morale à cela, et c’est de cesser notre soutien à leur intervention au Yémen. »