« Aromantic (love) Story ». / © HARUKA ONO

« Qui a dit que les femmes s’intéressaient forcément à l’amour ? » En quatrième de couverture, le ton est donné : Aromantic (love) Story entend renverser les codes et les clichés du manga pour filles (shôjo), malgré une page de garde vue et revue – une jeune femme à l’allure banale entourée de deux beaux garçons.

Après une introduction très maligne, l’histoire commence vraiment : Futaba Kiryû est une mangaka de 32 ans (un âge peu banal pour une héroïne de manga), forcée de dessiner une BD « harem », un genre très populaire mettant en scène le plus souvent un garçon entouré de prétendantes. Problème : Futaba Kiryû est « aromantique ». Elle n’est jamais tombée amoureuse et ce sujet provoque chez elle un profond désintérêt. Mais pour faire correctement son travail, elle va devoir tenter de comprendre ce qui anime les amoureux.

« Aromantic (love) Story ». / © HARUKA ONO

Au même moment se manifestent deux prétendants diamétralement opposés : le garçon ténébreux (brun, mince, réservé) et l’homme rayonnant, (blond, musclé, sûr de lui). Un énorme cliché du shôjo – terme désignant les mangas pour jeunes filles. La lecture des premières pages laisse craindre le pire : Aromantic (love) Story oserait-il, sous couvert de manga original, sombrer si facilement dans les poncifs du genre ?

Si le premier tome, sorti en mai, laissait le doute planer, le deuxième, en librairie depuis le 23  août, a de quoi rassurer le lecteur en quête de nouveauté. L’héroïne, vraiment très embarrassée par les attentions de ces deux hommes, tente effectivement à tout prix de s’en défaire. Et si le manga flirte en permanence avec les codes du shôjo, ce n’est que pour mieux les détourner.

L’héroïne critique la pression sociale exercée sur les femmes concernant la place que l’amour est censé occuper dans leur vie. / © HARUKA ONO

Comme cette séquence, un classique du genre, dans laquelle l’héroïne se retrouve à s’occuper d’un de ses prétendants malade. Au moment où pourrait s’agacer le lecteur, l’auteure renverse la situation grâce à une habile mise en abîme : « Ça me rappelle (…) les histoires d’amour », pense l’héroïne. « Il me semble que quand un héros est malade ou blessé il en profite pour se faire chouchouter par la personne qu’il aime… C’est même un passage obligé ! », pense alors le personnage principal.

Sans rentrer dans le jeu des deux hommes, avec franc parler mais sans excentricité, Futaba Kiryû profite de cette opportunité pour interroger la notion d’amour (forme poétique de l’attirance sexuelle ? Dissociable de la vénération ? A quel moment l’amour dépasse l’amitié ?). Et lancer au passage quelques tirades féministes ou « LGBT-friendly ».

Haruka Ono évoque aussi les personnes transgenres. / © HARUKA ONO

Ce manga signé Haruka Ono est en permanence sur le fil de rasoir, entre shôjo (dans le style de dessin, de mise en scène, de récit) et anti-shôjo, et parvient à éviter le faux pas – du moins jusqu’ici, puisque l’issue du second tome laisse à nouveau planer le doute.

Aromantic (love) Story fait donc office de petit ovni rafraîchissant dans le monde du manga. Malheureusement, ses personnages, bien qu’atypiques, manquent de chair et il reste difficile de se passionner profondément pour cette histoire malgré tout sympathique.

Aromantic (love) Story, de Haruka Ono, traduction de Satoko Fujimoto, tome II sorti le 23 août, éditions Akata, 200 pages, 7 euros.