Kevin Mayer tentera d’oublier sa déconvenue berlinoise lors du Décastar de Talence. / ANDREJ ISAKOVIC / AFP

On avait laissé Kevin Mayer sonné, le corps englué dans le bac à sable de l’épreuve du saut en longueur. L’ultra-favori du décathlon des championnats d’Europe, début août, ne parvenait pas à dompter la maudite planche du stade olympique de Berlin. Trois essais mordus et un zéro pointé qui l’avait décidé à abandonner. Dur pour un tel champion, à la forme insolente, de se résoudre à jouer les utilités.

Après quelques jours de réflexion, le champion du monde en titre a décidé de ne pas achever sa saison sur cet échec. Il participe donc au Décastar de Talence (33), l’une des Mecque du décathlon (quatre courses, trois épreuves de saut et trois de lancer), samedi 15 et dimanche 16 septembre. « Je n’avais plus fait le Décastar depuis 2012. La première envie est de faire un décathlon en entier. J’ai accumulé de la frustration et j’ai beaucoup d’énergie à dépenser. J’ai refait un cycle d’entraînement à fond et je me sens bien », confie Kevin Mayer.

Après Berlin, le décathlonien a modifié son programme. Ses vacances ont été rabotées et mêlées à de l’entraînement physique, qui n’a, en fait, jamais cessé. Et Mayer a pris seul cette décision. « Il a bien géré cette période en assumant l’échec. Une grande partie des choses viennent de lui, il s’est pris en main, car je n’étais pas forcément disponible au début. Je le retrouve en excellente forme physique et il a envie… Ce n’est pas une sorte de revanche, juste l’envie d’évacuer une grosse frustration », analyse le coach Bertrand Valcin.

« Le record du monde dans un coin de la tête »

Les deux hommes n’ont pas révolutionné l’entraînement, mais, bien entendu, le saut en longueur a fait l’objet d’un intérêt tout particulier. « On a eu une longue séance de longueur. Dès le premier saut, c’était bien. C’est l’une des forces de Kevin, se poser les bonnes questions et trouver des solutions. On a été plus exigeants qu’auparavant où l’on pouvait à tort accepter des sauts mordus, confie Bertrand Valcin. Tous les indicateurs sont bons pour qu’il fasse un beau décathlon à Talence. »

Tous les observateurs attendent la revanche de Kevin Mayer. Le record du monde de la discipline, détenu par l’Américain Ashton Eaton depuis 2015 (9 045 points), est sur toutes les lèvres. Qu’en pense le principal intéressé qui possède la sixième meilleure performance de tous les temps (8 834 points lors des JO 2016) ? « Le record du monde est toujours dans un coin de la tête. Je sais que j’en ai le potentiel. Mais un décathlon, c’est spécial. Ce n’est qu’une fois que le saut à la perche est terminé [la 7e épreuve sur 10], que tu peux commencer à calculer et voir si tu es toujours en course », lâche le Français.

Pour son entraîneur, une chose est certaine : Kevin Mayer a toutes les qualités pour réaliser un jour un tel exploit : « Rien ne remplace la perte du titre européen, mais il possède tous les ingrédients pour arriver à battre le record du monde. Quand je compare le Kevin de 2016 qui fait plus de 8 800 points et celui d’aujourd’hui, il y a un monde d’écart qui le rapproche évidemment d’un potentiel record. »

Les puristes du décathlon se rappellent que la piste de Talence a déjà connu un record du monde. C’était le 5 septembre 1992 et l’Américain Dan O’Brien, mythique triple champion du monde, effaçait des tablettes la performance de Daley Thompson avec un total de 8 891 points.