Nicolas Mahut et Julien Benneteau lors des quarts de finale de la Coupe Davis 2017, le 8 avril, contre l’Angleterre. / CHARLY TRIBALLEAU / AFP

L’un ouvre la bouche à s’en décrocher la mâchoire, l’autre écarquille des yeux immenses. Heureux, hilares, Julien Benneteau et Nicolas Mahut, tous deux âgés de 36 ans, prennent la pose dans les coulisses de l’US Open, à New York, en cette fin de mois d’août. « Les papys font de la résistance », fanfaronne le premier sur Twitter, après leurs victoires respectives contre le récent demi-finaliste à Roland-Garros, Marco Cecchinato, et Corentin Moutet. Pour ce qu’il a annoncé comme le dernier tournoi de tennis de sa carrière, Julien Benneteau profite de la présence de son ami de vingt-quatre ans. Avant de tourner la page.

Sauf que, parfois, le sort s’en mêle. En raison de la blessure de Pierre-Hugues Herbert, Yannick Noah, le capitaine de l’équipe de France de tennis masculine, a rappelé Benneteau sous le maillot bleu pour la demi-finale de la Coupe Davis contre l’Espagne. Et, en choisissant de l’aligner au côté de Mahut en double, samedi 15 septembre, à Villeneuve-d’Ascq (Nord), il offre à l’inséparable duo l’occasion d’un beau point final à leur histoire.

Un an auparavant, lors de La Marseillaise précédant la finale de la compétition face à la Belgique, les deux hommes avaient moins le cœur à rire. Laissés sur la touche par Yannick Noah – qui leur avait préféré l’expérimental duo Pierre-Hugues Herbert/Richard Gasquet pour le double, pari finalement gagnant –, Julien Benneteau et Nicolas Mahut ne dissimulaient pas leurs larmes.

L’émotion de Nicolas Mahut et Julien Benneteau lors des hymnes précédant la finale de Coupe Davis, en 2017. / PHILIPPE HUGUEN / AFP

« Deux grands enfants, gentils et sympathiques »

Le premier, qui sortait d’un automne de haute volée, confiera quelques mois plus tard que l’annonce de cette non-sélection a été « le moment le plus dur de [sa] carrière. Plus que n’importe quelle défaite ou n’importe quelle blessure ». Et comme depuis l’entame de leur carrière commune, c’est auprès de Mahut qu’il a cherché le réconfort : « L’autre jour, on s’est demandé, avec Julien, s’il y avait déjà eu, en France, deux joueurs qui ont partagé autant d’entraînements durant toute leur carrière. On ne croit pas, vu qu’on est ensemble depuis qu’on a 13 ans. »

C’est au Creps (centre de ressources, d’expertise et de performance sportive) de Poitiers que les deux hommes se sont rencontrés pour la première fois. Chargé de ce pôle France de tennis, matrice de nombre de champions de la balle jaune hexagonale (Jo-Wilfried Tsonga et Lucas Pouille y ont fait leurs gammes par la suite), le bien nommé Laurent Garros se souvient de « deux garçons, deux grands enfants, gentils et sympathiques, déjà très déterminés », débarqués dans la Vienne, à l’âge de 13 ans.

« Leur histoire en double a commencé ici, se souvient l’entraîneur. On travaillait beaucoup l’état d’esprit de groupe, en insistant sur le fait que, dans ce sport individuel, le groupe pouvait tirer vers le haut chaque individu. » De quoi rapprocher deux jeunes gens ambitieux. « [Julien Benneteau] est quelqu’un qui m’a inspiré parce qu’il m’a poussé dès le début », témoigne Nicolas Mahut, soulignant qu’il « n’y a jamais eu de jalousie entre [eux]. Mais une vraie émulation, oui ».

Il faudra attendre quelques années pour que la paire s’assemble sur le court. C’est Louis Borfiga, leur entraîneur à l’Insep (Institut national du sport, de l’expertise et de la performance), qui s’est, le premier, mis en tête d’aligner ces « deux petits gamins motivés et très complémentaires » en double.

Leur troisième cape commune

Il se souvient avoir dû se montrer persuasif. « A un moment, je leur avais dit  : “Bon, maintenant, je ne vous demande plus votre avis : vous allez jouer ensemble, et vous avez intérêt à gagner des matchs, sinon vous aurez affaire à moi”, raconte celui qui est désormais chargé de faire éclore les prometteuses jeunes pousses à la Fédération canadienne de tennis. Ils n’ont rien dit et ont baissé la tête. Ils sont partis faire une tournée en Amérique du Sud, ont gagné trois tournois sur quatre et ont été sacrés champions du monde [juniors] à la fin de l’année 1999. »

Au fil des ans, les deux amis mènent de paire leur carrière en simple et en double. « Ils ont très vite compris l’intérêt que pouvait avoir le fait de jouer en double pour leur carrière en simple », souligne Laurent Garros.

« On se prépare à jouer samedi, mais on sait que Yannick peut changer encore l’équipe d’ici là »

La paire jouera plus de dix ans ensemble, récoltant quelques titres. Mais c’est séparément que les deux décrocheront leurs meilleurs résultats en double : médaille de bronze aux Jeux olympiques de Londres en 2012 (avec Gasquet) et victoire à Roland-Garros en 2014 (avec Edouard Roger-Vasselin) pour Benneteau, US Open 2015, Wimbledon 2016 et Roland-Garros 2018 pour Mahut, au côté de Pierre-Hugues Herbert.

En équipe de France, Mahut et Benneteau n’ont été alignés ensemble qu’à deux reprises (en 2015 et 2017), pour autant de victoires. Leur troisième cape commune est prévue samedi, avant que Benneteau ne tire sa révérence pour de bon.

A moins que Yannick Noah ne sorte un nouveau tour de son sac. « On se prépare à jouer samedi, mais on sait que Yannick peut changer encore l’équipe d’ici là, a déclaré Mahut jeudi, sourire en coin. Dans ce cas, on sera là pour supporter les copains. Ça, on sait faire. »