À 26 ans, Simon Yates a remporté le premier grand tour de sa carrière en Espagne. / Alvaro Barrientos / AP

Qu’il semble loin, ce 25 mai 2018. Ce jour-là, au terme d’une étape dantesque, Christopher Froome renversait le Tour d’Italie, chipant le maillot de leader à un compatriote britannique qui s’effondrait complètement : Simon Yates. Maillot rose pendant 13 jours, vainqueur avec panache de deux étapes, le coureur de Mitchelton-Scott avait complètement craqué sur les pentes du col du Finestre, terminant l’étape hagard à 38 minutes du vainqueur.

Quatre mois plus tard, Simon Yates n’a cette fois pas tremblé, et remporte sur les routes espagnoles le premier grand tour de sa carrière. Plus calme qu’en Italie, le grimpeur de 26 ans, accompagné de son frère jumeau Adam dans son équipe australienne, a su résister aux assauts des deux coureurs de la Movistar, Alejandro Valverde et Nairo Quintana.

À l’arrivée, il devance sur le podium Enric Mas (Quick-Step) et Miguel Angel Lopez (Astana). Surtout, il parachève, maillot rouge sur les épaules, un grand chelem britannique sur les courses de trois semaines. Une performance réalisée en 1964 par la France et par l’Espagne en 2008.

Domination britannique

La dernière fois qu’un Grand tour a été remporté par un cycliste non britannique, c’était il y a plus de quinze mois, quand Tom Dumoulin avait dominé le Tour d’Italie 2017. Depuis se sont succédé Chris Froome (Tour de France 2017, d’Espagne 2017 et d’Italie 2018), Geraint Thomas cet été sur le Tour de France, et désormais Simon Yates. Plus que jamais, la Grande Bretagne s’est imposée comme la puissance dominante du cyclisme sur route, du moins celui des courses de trois semaines.

La politique de grands travaux de la fédération britannique, sous la houlette du controversé Dave Brailsford, a porté ses fruits au-delà des espérances du directeur sportif de la Sky. Alors qu’aucun Britannique n’avait remporté le moindre grand tour en 109 ans, le pionnier Bradley Wiggins (en 2012), Froome, Thomas et désormais Yates ont remporté neuf des vingt-et-une courses de trois semaines qui ont eu lieu depuis 2012.

Simon Yates est certes le seul vainqueur à ne pas courir pour Sky, mais il est lui aussi un pur produit de la formation britannique. À 18 ans, il intégrait le programme de formation de la fédération britannique alors que son frère jumeau Adam, dont le profil plus grimpeur correspond moins à l’école anglaise, rejoignait le club de Troyes en France.

A la veille de l’arrivée du Tour d’Espagne, il est revenu sur cet apprentissage dans la pépinière de la fédération britannique  : « Cela a été un long processus. Il y a eu une très forte hausse du financement dans le cyclisme juste au moment où j’ai débuté ma carrière, donc j’ai toujours bénéficié de beaucoup de soutien, j’ai progressé à mon rythme. »

Tout comme Geraint Thomas et Bradley Wiggins, Simon Yates a grandi au sein de l’école de la piste anglaise, avec un certain succès : champion du monde junior de l’américaine en 2010, il est aussi sacré champion du monde de la course aux points en 2013, avant de s’orienter vers la route. Rapidement, le plus âgé des frères Yates (de quelques minutes seulement) se révèle, au côté d’Adam, dans l’équipe Orica-Greenedge, devenue ensuite Mitchelton-Scott.

Alvaro Barrientos / AP

Suspension de quatre mois

Pour sa première participation à la Vuelta, en 2016, le Britannique termine sixième. Il est alors tout juste de retour d’une suspension de quatre mois pour dopage, après un contrôle positif à la terbutaline, substance utilisée pour traiter l’asthme. Son équipe avait assuré que le médecin avait oublié de demander l’autorisation d’usage thérapeutique (AUT) nécessaire pour que le coureur puisse utiliser ce produit.

Privé de Tour de France en 2016 à cause de cette suspension, il se rattrape l’année suivante, terminant à la septième place, maillot de meilleur jeune sur les épaules. À la veille du départ, il détaillait au quotidien britannique The Telegraph son objectif suivant : devenir un vrai grimpeur capable de tenir la cadence pour jouer le classement général. « La chose la plus importante, c’est d’être consistant. Je veux essayer d’être solide sur la durée, plutôt que d’avoir un bon jour par ci, un mauvais jour par là. »

Il lui aura donc fallu deux tentatives. Impressionnant en Italie, où il était clairement le meilleur grimpeur pendant deux semaines malgré un plateau très relevé, il a connu une terrible défaillance le privant d’une première victoire flamboyante. Un coup d’arrêt en forme de leçon pour celui qui, échaudé par cette mésaventure, a toujours refusé de se projeter en vainqueur de la Vuelta, même avec le maillot de leader bien installé sur ses épaules. « Ce n’est pas fini tant que ce n’est pas fini », martelait-il encore vendredi, à deux jours de l’arrivée, alors que son dernier adversaire Alejandro Valverde avait craqué.

Sur les pentes d’Andorre, le grimpeur britannique a contrôlé la course, terminant troisième de la dernière étape de montagne, samedi, pour s’assurer de remporter le premier grand tour de sa carrière, à tout juste 26 ans. La saison de Simon Yates n’est pas encore terminée : il sera chargé avec son frère de mener l’équipe britannique aux championnats du monde sur route d’Innsbruck le 30 septembre. Pour, peut-être, ajouter une nouvelle victoire de prestige au palmarès du cyclisme britannique en 2018.