Devant le tribunal de Chicago où comparaît le policier Jason Van Dyke, qui comparaît pour le meurtre d’un adolescent noir en 2014. / JOSHUA LOTT / AFP

Seize tirs « totalement inutiles ». C’est ainsi que le procureur Joe McMahon a expliqué, lundi 17 septembre, devant un jury de Chicago (Illinois) comment Jason Van Dyke, policier blanc, a tué Laquan McDonald, jeune homme noir de 17 ans, en octobre 2014. Cet homicide avait déclenché une onde de choc aux Etats-Unis.

M. Van Dyke a simplement vu « un garçon noir, marchant dans la rue… qui avait l’audace d’ignorer la police », a affirmé le procureur. L’agent, qui comparaît pour assassinat, est accusé d’avoir abattu à distance et sans raison Laquan McDonald, alors que ce dernier tenait un couteau.

« Pas un seul tir n’était nécessaire ou justifié », a martelé M. McMahon, qui a égrené dans un silence de plomb les nombres de 1 à 16 pour insister sur l’apparente disproportion entre les actes de la victime et la réponse létale du policier.

L’avocat du policier, Daniel Herbet, a, lui, répliqué en dépeignant la victime comme un dangereux criminel. Selon lui, le jeune homme, sous l’emprise d’un psychotrope hallucinogène, menait « une équipée sauvage ».

Inquiètudes en cas d’acquittement

La diffusion très tardive, en 2015, d’une vidéo montrant l’homicide de l’adolescent avait exacerbé la colère de la population, déclenchant des mois de rassemblements dans la troisième ville des Etats-Unis. Seule une poignée de manifestants se trouvait devant le tribunal lundi, mais Chicago restait suspendu à l’issue du procès, prévu sur plusieurs semaines. Beaucoup s’inquiètent des conséquences que pourrait avoir un acquittement.

Les premières plaidoiries ont commencé lundi après une semaine consacrée à la sélection des douze jurés, désignés parmi un groupe de 200 personnes.

Les images de la vidéo, filmée depuis une caméra fixée sur le tableau de bord d’une voiture des forces de l’ordre, montrent Jason Van Dyke tirer sur l’adolescent qui se trouve à plusieurs mètres de distance, et continuer à vider son chargeur même une fois le jeune homme à terre. Aucun des neuf autres officiers présents n’avait fait usage de son arme.

Lundi face aux jurés, l’avocat du policier a tenté de contrer l’effet désastreux de la vidéo, en appelant à considérer le « contexte ». « Jason Van Dyke avait une bonne raison de croire que Laquan McDonald allait blesser quelqu’un », a plaidé M. Herbert. « Il s’est produit un drame. Et non un meurtre », a-t-il tenté de convaincre.

Des abus policiers récurrents

La vidéo de la bavure avait entraîné le renvoi du chef de la police de la ville alors en fonction. Le ministère de la justice avait par ailleurs lancé en décembre 2015 une enquête fédérale visant le Chicago Police Department (CPD). Celle-ci a conclu que les abus policiers étaient récurrents dans cette métropole gangrenée par la criminalité.

Le maire Rahm Emanuel, un proche du président Barack Obama, s’est lui-même retrouvé en difficulté. Il a annoncé début septembre renoncer à briguer un troisième mandat, sa popularité butant sur cette violence endémique, liée à des guerres de gangs et au trafic de drogues.

L’homicide de Laquan McDonald a fait partie d’une série de bavures policières survenues ces dernières années à l’encontre de victimes noires aux Etats-Unis, donnant naissance au mouvement « Black Lives Matter ». « Nous essayons d’obtenir justice », a déclaré à la presse le porte-parole de M. McDonald et de ses proches, Marvin Hunter. Cette décision « fera jurisprudence dans ce pays pour toutes les personnes qui ont subi ce que Laquan a subi ».

Aux Etats-Unis, les violences policières ne sont qu'un « maillon » d'un racisme institutionnel
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