L’accolade fut longue et chaleureuse. Sous un ciel légèrement obscurci, mais laissant entrevoir un bleu rappelant celui du drapeau de la Corée unifiée, le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un et son épouse Ri Sol-ju ont accueilli, mardi 18 septembre, peu après 10 heures (heure locale) à l’aéroport Sunan de Pyongyang le président du Sud, Moon Jae-in, et son épouse Kim Jung-sook, arrivés à bord du Boeing 747 présidentiel parti au petit matin de la base aérienne de Seongnam, au sud de Séoul.

Sur le tarmac se massaient des personnalités du régime, comme Kim Jo-yong, soeur de Kim Jong-un, et des centaines de personnes, des femmes en jeogori (tenue traditionnelle) aux couleurs pastel et des hommes en costume sombre. Tous ont salué l’accolade en agitant des drapeaux nord-coréens, de la réunification, ou des bouquets de fleurs, scandant des « mansae », alors que jouait une garde d’honneur.

Les deux dirigeants se retrouvent pour la troisième fois en 2018, après les sommets du 27 avril et du 26 mai organisés au village de la trêve de Panmunjeom, dans la zone démilitarisée (DMZ).

C’est aussi la troisième fois qu’un président du Sud se rend à Pyongyang, après Kim Dae-jung (1926-2009), en 2000, et Roh Moo-hyun (1946-2009) – venu, lui, par la route – en 2007. Ils avaient été accueillis par Kim Jong-il (1941-2011), le père de Kim Jong-un.

Pourparlers avec Washington dans l’impasse

Pour cette visite de trois jours, retransmise en direct au Sud, M. Moon a fait le déplacement avec une délégation de près de 200 personnes : des ministres, des dirigeants des principaux chaebols (conglomérats) comme Samsung, LG ou Hyundai, ainsi que des stars de la K-Pop qui devraient participer, mardi soir, à un spectacle de gymnastique de masse titré La mère patrie resplendissante conçu pour le 70e anniversaire de la Corée du Nord, qui a été célébré le 9 septembre.

Deux sommets sont prévus, l’un mardi après-midi et un autre mercredi matin. D’après le secrétaire général de la présidence sud-coréenne, Im Jong-seok, trois sujets devraient dominer les discussions. Le premier porte sur l’amélioration des relations intercoréennes, conformément à la déclaration de Panmunjeom du 27 avril, dont l’un des effets concrets fut déjà l’ouverture d’un bureau de liaison, le 14 septembre à Kaesong, en Corée du Nord. Des projets humanitaires, voire économiques, pourraient aussi être discutés. Il s’agirait, explique Woo Jung-yeop, de l’institut Sejong, de « déterminer ce qui peut être fait et ce qui doit attendre la levée des sanctions ».

Vient ensuite la relance des négociations entre Pyongyang et Washington sur la dénucléarisation. Depuis le sommet du 12 juin, à Singapour, entre M. Kim et le président des Etats-Unis Donald Trump, ces pourparlers semblent dans l’impasse. Une visite à Pyongyang, prévue fin août, du secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo, a ainsi été annulée. Les deux parties peinent à rapprocher leurs positions, notamment, estime Cheong Seong-chang, de l’institut Sejong, car « les Américains manquent d’une vraie stratégie et ne savent pas vraiment quoi proposer qui soit acceptable par Pyongyang ».

Il pourrait y avoir une relance des séjours touristiques au mont Kumgang, site inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco

Comme il l’a fait lors des deux précédents sommets, M. Moon devrait donc jouer les médiateurs. Il pourrait tenter d’obtenir des avancées, voire des éléments du programme nucléaire du Nord. Son rôle est d’autant plus important que Kim Jong-un aurait sollicité un second sommet avec Donald Trump, dans une lettre envoyée début septembre et qualifiée de « très chaleureuse, très positive » par le président américain.

Réduction des moyens militaires

Vient enfin la réduction des tensions dans la péninsule, sujet technique car il doit se traduire par une réduction des moyens militaires déployés le long de la DMZ. C’est pourtant là qu’un accord pourrait, selon M. Im, être conclu au cours du sommet même si « des points restent à régler ». Le 13 septembre, les militaires des deux Corées ont évoqué les mesures permettant de stopper les « actes hostiles » et de créer une zone de paix en mer Jaune (mer de l’Ouest) qui serait également une zone de pêche partagée.

La question de la déclaration de la fin de la guerre de Corée (1950-1953), que les deux dirigeants souhaitent formuler avant la fin de l’année, sera aussi discutée. Mais, rappelle Woo Jung-yeop, « il faut pour cela l’accord des Américains ».

Des annonces dans le domaine de la coopération, voire sur l’économie, ne sont pas exclues. Il pourrait notamment y avoir une relance des séjours touristiques au mont Kumgang – site de Corée du Nord inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco et qui fut accessible aux visiteurs du Sud jusqu’en 2008.

Compte tenu de la courte durée du séjour, les deux dirigeants devraient, selon M. Im, entrer rapidement « dans le vif du sujet ». Les discussions pourraient se tenir au siège du Parti du travail au pouvoir, où se trouvent les bureaux de M. Kim.

En marge de ces pourparlers, M. Moon devrait visiter Pyongyang, notamment certains quartiers comme celui dit du Mirae – avenue réservée au monde de la science, inaugurée en 2016 – et celui de Ryomyong, terminé en 2017. Un dîner pourrait avoir lieu mercredi au restaurant Taedong de spécialités de la mer, récemment ouvert, voire à l’Okryugwan, connu pour ses naengmyon, spécialité de nouilles froides très appréciée au Sud.