Depuis vingt ans, la promesse de développer l’éducation artistique et culturelle a fait l’objet d’un nombre incalculable de discours et de rapports ministériels. De Catherine Tasca à Aurélie Filippetti, de Jack Lang à Najat Vallaud-Belkacem, tous les ministres de la culture et tous ceux de l’éducation nationale ont loué les bienfaits et l’impérieuse nécessité de permettre à tous les élèves d’accéder à la connaissance et à la pratique des arts.

Françoise Nyssen et Jean-Michel Blanquer ne dérogent pas à la règle. Lundi 17 septembre, dans le jardin du Musée Rodin à Paris, la ministre de la culture et son homologue de l’éducation nationale se sont engagés à offrir « à tous les enfants et les jeunes de 3 à 18 ans, c’est-à-dire de l’entrée à l’école maternelle à l’octroi du Pass culture, un parcours culturel cohérent d’ici à la fin du quinquennat ». Lors d’un long discours à deux voix, ils ont comparé cette volonté de « faire de l’école française une école des arts et de la culture » à « un grand enjeu du siècle » (Jean-Michel Blanquer), à « un grand combat de société » (Françoise Nyssen) et promis « de rattraper la marche que la France a manquée ces dernières années ».

« Une exigence de justice sociale »

De quelle manière ? « Cette fois, la donne va changer, s’est emballé la ministre. Nous ne laisserons plus un seul enfant sur le bord du chemin. Cette révolution des actes sera visible par toutes les familles ». Et le ministre de l’éducation nationale de compléter : « C’est une exigence de justice sociale et un enjeu de justice territoriale. Une chorale ou un orchestre, une troupe de théâtre, des clubs culturels doivent devenir des standards dans tous les établissements ».

Dans les faits, qu’est-ce qui changera à la rentrée 2019 ? A l’école primaire, deux heures hebdomadaires, sur le temps scolaire, seront consacrées aux enseignements et pratiques artistiques. Dans un premier temps, les deux ministères accompagneront dix villes (Château-Arnoux-Saint-Auban, Carros, Château-Thierry, Bessancourt, La Courneuve, Guingamp, Quimper, Saint-Brieuc, Metz) dans cette expérimentation. Les écoliers se verront aussi proposés « au moins deux temps forts culturels » (visite d’un musée ou d’un monument, spectacle, cinéma, rencontre d’un créateur), seront appelés à chanter dans la chorale de leur école, et à emprunter chaque semaine un livre dans une bibliothèque.

Au collège, les élèves de troisième suivront « un nouvel enseignement hebdomadaire d’une demi-heure » consacré à l’éloquence, a annoncé Jean-Michel Blanquer. Ce temps dédié à l’art oratoire, qui s’ajoutera aux quatre heures de français et s’étendra, par la suite, dès la classe de sixième, « est un signal adressé à tous les collèges pour développer une troupe de théâtre », a-t-il souligné. Les collégiens participeront également à un atelier d’éducation aux médias et à l’information et auront, eux aussi, « au moins deux temps forts culturels » au cours de leur année scolaire. Quant aux lycéens, outre la projection hebdomadaire d’un film, ils pourront « participer à un atelier artistique de création (musique, danse, théâtre…) en partenariat avec les réseaux culturels ».

26 millions d’euros de financement

Comment réaliser ce plan et le pérenniser ? Rien ne se fera sans « une concertation avec les collectivités locales » et sans « l’engagement des artistes et des professionnels de la culture », précisent les ministres. Quelques heures après son discours, François Nyssen a convié à dîner rue de Valois à Paris une trentaine de personnalités, parmi lesquelles Laure Adler, Laurent Gaudé, Robin Renucci, Philippe Torreton, Didier van Cauwelaert, Edgar Morin, Daniel Pennac, pour les inviter « à devenir les ambassadeurs de cette école des arts et de la culture et à rallier leurs pairs pour aller dans les écoles ». Lyrique, la ministre a lancé « un appel à tous les artistes et créateurs : allez rencontrer les élèves, partager et transmettre votre art, vous avez le pouvoir de changer des millions de vies ! » Ces interventions de professionnels de la culture seront « bien évidemment rémunérées », a-t-elle insisté.

Quel sera le financement attribué à cette politique de développement de la pratique artistique ? « Il ne faut pas faire de la question des moyens une fin en soi », répond laconiquement Jean-Michel Blanquer. En additionnant les chiffres fournis dans le dossier de présentation, on aboutit à 26 millions d’euros. De son côté, Françoise Nyssen indique que le budget de son ministère consacré à l’éducation artistique – 114 millions d’euros – sera « conforté en 2019 ». Et elle ajoute : « Nous avons lancé une évaluation commune, avec l’éducation nationale, pour avoir un état des lieux précis du nombre d’enfants actuellement touchés par des actions d’éducation artistique et culturelle ». Peut-être est-ce par ce constat chiffré qu’il aurait fallu commencer…

Sur le Web : www.culture.gouv.fr/Presse/Dossiers-de-presse/A-l-ecole-des-arts-et-de-la-culture-de-3-a-18-ans