Denis Masseglia, le président du CNOSF, en avril 2016. / PATRICK KOVARIK / AFP

Chose rare, le mouvement sportif a décidé de se mobiliser pour une cause commune. Réuni en congrès extraordinaire, dans son siège du 13e arrondissement de Paris, mardi 18 septembre, le Comité national olympique sportif français (CNOSF) a annoncé la tenue d’une action inédite : il lancera vendredi une pétition en ligne, sous le titre « Sport pour tous, tous pour le sport ». Un temps envisagé dès la fin du mois d’août, ce lancement coïncidera avec la première fête du Sport, initiative gouvernementale prévue de vendredi à dimanche.

Bientôt accessible sur le site Internet du CNOSF et adressée au gouvernement, la pétition s’inscrit surtout dans l’urgence du moment : « Nous, sportifs, dirigeants de club, bénévoles, passionnés, citoyens, demandons que le sport bénéficie de moyens à hauteur de nos apports humains, économiques et sociétaux. » Et le court texte de se conclure ainsi : « Pour que le sport compte, je signe. »

Un an seulement après l’attribution des Jeux olympiques de 2024 à Paris, le gouvernement projette de réduire de 6 % le budget du ministère des sports. Cette somme pourrait descendre de 480 à 450 millions d’euros, dans le cadre de la loi de finances pour 2019, présentée à la fin du mois de septembre.

« Envie d’aider la ministre »

Autre point de discorde, essentiel : toujours selon la lettre de cadrage, envoyée le 26 juillet par le premier ministre, et révélée le 4 septembre par l’Agence France-Presse (AFP), le gouvernement demande au ministère des sports de supprimer l’équivalent de 1 600 emplois à temps plein. Ce qui reviendrait à réduire de moitié les effectifs d’agents, selon les estimations de l’AFP.

Le président du CNOSF, Denis Masseglia, affirme aller dans le même sens que Roxana Maracineanu. L’ex-nageuse et nouvelle ministre des sports a remplacé Laura Flessel, qui a quitté le gouvernement, le 4 septembre, sur fond d’ennuis fiscaux. « On a envie d’aider la ministre qui se bat, déclare à présent celui-ci, pour obtenir les moyens adaptés à l’ambition qu’on peut avoir sur le plan sportif et sur celui du développement des pratiques. (…) On doit aussi se battre pour que, dans les collectivités territoriales, qui restent le financeur public numéro un, il puisse y avoir des arbitrages favorables à la cause sportive. »

La pétition n’a pas de date limite ni d’objectifs précis de signatures. Elle pourra cependant s’appuyer sur un milieu sportif associatif bien ancré dans le pays, fort de 17 millions de licenciés en club, toutes disciplines confondues. Denis Masseglia espère rallier leurs voix pour faire entendre l’idée que « miser sur le sport » s’apparente bien davantage à « un investissement » qu’à « une charge ».

Pas de sport à La Réunion pendant un week-end

Mais quel sera l’impact sur les arbitrages budgétaires à venir ? « On a vu que la pétition contre la loi travail de Myriam El Khomri a été la plus grosse pétition en ligne qu’il y ait eu en France [plus de 1,3 million de signatures], et pourtant, la loi est passée », rappelle Emmanuelle Bonnet-Oulaldj, présidente de la Fédération sportive et gymnique du travail. « Solidaire » de la pétition, la dirigeante de cette organisation omnisports souhaite aussi et surtout la tenue de « réunions publiques » pour sensibiliser la population.

A l’échelle locale, certains ont déjà prévu un autre type de mobilisation, plus radical. Les samedi 22 et dimanche 23 septembre, les dirigeants réunionnais du Comité régional olympique et sportif français entendent fermer toutes leurs installations sportives, manière de bien signifier à la population la place du sport dans la société.

En coulisse, d’autres dirigeants attendent surtout que disparaisse « ce flou insupportable » autour des moyens du ministère des sports, selon l’expression de Florent Chayet. Le président de la Fédération française de badminton revient de Tallinn, en Estonie, où les Bleuets ont remporté quatre médailles d’or aux championnats d’Europe junior. « Cette génération arrivera à maturité aux Jeux olympiques 2024 de Paris. Supprimer les 25 CTS de la fédération [conseillers techniques sportifs] correspondrait pour nous à une catastrophe. »

Son homologue du judo, Jean-Luc Rougé, émet une autre idée, encore très hypothétique : « Nous pourrions aussi présenter une liste pour le sport aux européennes de 2019, mais il faut d’abord en regarder la faisabilité. » En 1993, le dirigeant avait été candidat aux élections législatives sous les couleurs du Rassemblement par le sport. Une liste sans étiquette partisane, mais, déjà, avec l’envie de faire entendre le sport dans le débat public.