La région de Tillabéri, dans le sud-ouest du Niger, où un prêtre italien, Pier Luigi Maccalli, a été enlevé le 17 septembre 2018, non loin de la frontière zone frontalière avec le Burkina Faso. / Capture d'écran Google Maps

Un prêtre italien, Pier Luigi Maccalli, âgé de 57 ans, a été enlevé par des hommes armés, lundi 17 septembre au soir, à son domicile à Bamoanga, un village de la région de Tillabéri, dans le sud-ouest du Niger, en proie à de fréquentes incursions djihadistes.

« L’enlèvement a eu lieu vers 21 heures [heure locale, soit 20 heures TUC]. Les assaillants étaient environ huit et sont venus en moto. Ils ont enlevé le prêtre à son domicile, situé en face de son église », a précisé à l’AFP Thomas Codjovi, chargé de la communication de la mission catholique dans ce pays, citant des sources locales.

« Ils ont d’abord cassé [la porte de] sa maison avant de l’extraire et de partir avec lui sur une de leurs motos et ont piqué droit vers la frontière du Burkina Faso. Il y avait également des sœurs, mais ils n’ont enlevé que lui », a ajouté M. Codjovi. « Dix minutes après, ils sont revenus pour tirer en l’air, manifestement pour intimider les populations. »

Pas de revendication

« Les ravisseurs sont venus du Burkina Faso », a affirmé le ministre porte-parole du gouvernement, Zakaria Abdourahamane, précisant que les forces de sécurité nigériennes « ratissaient le secteur pour essayer de trouver » le missionnaire.

La Société des missions africaines, dont dépend le prêtre, a confirmé l’enlèvement sur sa page Facebook. Elle souligne être « en contact constant avec la cellule de crise du ministère italien des affaires étrangères » et précise : « Il n’y a pas de revendication pour l’instant. »

Le Niger, pays très pauvre, est en proie à des attaques djihadistes récurrentes, notamment dans le sud-ouest, zone proche du Mali. En avril, un humanitaire allemand avait été enlevé dans la même région de Tillabéri. En octobre 2016, c’est plus au nord qu’un humanitaire américain avait été kidnappé. Ces otages, dont on est toujours sans nouvelles, ont été emmenés au Nord-Mali, selon des sources sécuritaires.

« Toute la bande [située à l’]ouest et [au] nord de Niamey est à risques. Ce serait un vrai suicide pour des Occidentaux de s’y aventurer, personne ne peut garantir leur sécurité », a déclaré à l’AFP Mohamed Ouagaya, ex-militaire nigérien et actuel conseiller en sécurité du président du Parlement. « Pour se déplacer, il faut donc nécessairement avoir une escorte sécuritaire, et pour s’y établir il faut impérativement solliciter une protection des autorités. […] Raison pour laquelle, les expatriés, autrefois fortement présents sur ce terrain, se sont plutôt concentrés ces dernières années dans la seule capitale, Niamey, mieux sécurisée », a-t-il ajouté.

Le ministre porte-parole a estimé que ces propos « ne correspondaient pas à la réalité », jugeant que le Niger faisait « beaucoup d’efforts pour assurer la sécurité ». Les chancelleries occidentales déconseillent en tout cas fortement d’effectuer de longs séjours dans les zones frontalières. Toute la frontière nigéro-malienne est classée zone rouge par le ministère français des affaires étrangères et le reste du pays est classé orange.

« Fortes pressions sur les communautés locales »

Hasard du calendrier, la Banque mondiale a approuvé mardi 18 septembre un financement de 80 millions de dollars (près de 69 millions d’euros) pour des projets en faveur des réfugiés fuyant « les attaques des groupes armés non étatiques et les conflits intercommunautaires » ainsi que de leurs communautés d’accueil dans plusieurs régions du Niger, dont celle de Tillabéri. « Le Niger est un havre de sécurité pour de nombreux réfugiés. Cette situation exerce de fortes pressions sur les communautés locales qui les accueillent », explique l’institution. Tillabéri et Tahoua abritent depuis 2012 quelque 60 000 réfugiés maliens. Et depuis janvier 2018, Tillabéri a enregistré 17 000 déplacés internes

Le village de Bamoanga, où le prêtre italien a été enlevé, se trouve à proximité du Parc du W, situé de part et d’autre des frontières entre Niger, Burkina et Bénin, désormais considérées comme une zone à hauts risques. La situation au Burkina Faso s’est considérablement dégradée ces derniers mois. Une double attaque a notamment fait au moins neuf morts le week-end dernier dans le sud-est du Burkina.

Pays majoritairement musulman, le Niger compte 1 à 2 % de chrétiens sur une population de 20 millions d’habitants. Le département de Torodi, où se trouve Bamoanga, est l’un des secteurs où on trouve la plus grande concentration de chrétiens. Leur cohabitation avec les musulmans se passe habituellement sans problème. L’archevêque de Niamey, Laurent Lompo, premier archevêque nigérien, est originaire de Torodi.

Après la publication de caricatures du prophète Mahomet par Charlie Hebdo en France en 2015, des émeutes antichrétiennes à Niamey avaient fait dix morts et détruit la plupart des églises.