Le siège du groupe pétrolier italien ENI, prés de Milan. / MARCO BERTORELLO / AFP

Le groupe pétrolier italien ENI et son ex-patron Paolo Scaroni, accusés de corruption internationale dans le cadre de leurs opérations en Algérie, ont été acquittés, mercredi 19 septembre, mais sa filiale Saipem et l’ex-président de cette dernière ont été condamnés. Le procès, qui s’était ouvert en Italie il y a trois ans, portait sur le versement présumé de 197 millions d’euros de pots-de-vin à des responsables publics algériens, entre 2007 et 2010.

Selon l’accusation, ce versement a permis à Saipem d’obtenir des contrats pour 8 milliards d’euros et à ENI d’avoir l’aval de l’ancien ministre algérien de l’énergie Chakib Khelil pour acquérir les droits d’exploitation du gisement de gaz de Menzel, via l’achat de la société First Calgary Petroleums. Mais le tribunal de Milan a jugé que le second fait n’était pas avéré et que M. Scaroni n’était pas responsable concernant les contrats de Saipem.

Blanchiment d’argent

Cette filiale a quant à elle été condamnée, à l’issue de ce procès en première instance, à une amende de 400 000 euros et à la confiscation – en lien avec les autres condamnés – de 197 millions d’euros, considérés comme la valeur du pot-de-vin versé. Son président à l’époque des faits, Pietro Tali, s’est vu infliger quatre ans et neuf mois de prison. Il reste néanmoins libre, comme les autres condamnés, en attendant le procès en appel.

Le 26 février, le procureur Isidoro Palma avait requis des amendes de 900 000 euros contre ENI et Saipem et deux peines de six ans et quatre mois d’emprisonnement contre M. Scaroni et M. Tali. L’affaire avait coûté leur poste aux deux hommes. L’ancien directeur de Saipem en Algérie Pietro Varone s’est pour sa part vu infliger quatre ans et neuf mois de prison, et l’ex-directeur financier de Saipem puis d’ENI Alessandro Bernini, quatre ans et un mois.

Du côté des prévenus algériens, dont aucun ne s’est présenté au procès, Farid Nourredine Bedjaoui, un homme de confiance de l’ancien ministre Khelil qui aurait servi d’intermédiaire, a été condamné à cinq ans et cinq mois de prison, tandis que Samyr Ouraied, un proche de M. Bedjaoui, et Omar Habour, soupçonné d’avoir participé au blanchiment de l’argent, se sont vu infliger des peines de quatre ans et un mois d’emprisonnement.

Dans un communiqué, ENI a exprimé « sa satisfaction, soulignant que la décision confirmait le non-lieu prononcé en 2015 par le juge de l’audience préliminaire du tribunal de Milan et actait le fait que la société et le management étaient étrangers à toute conduite illicite ».

Mandat d’arrêt international

« Dans cette affaire, il y a un groupe criminel organisé avec une composante franco-algérienne et […] une structure organisationnelle à l’intérieur d’ENI et de Saipem », avait estimé le procureur. Il avait évoqué des « éléments de preuve », en particulier des versements pour des activités fictives à la société de M. Bedjaoui, Pearl Partners, dont le siège est à Hongkong. Selon lui, ces pots-de-vin étaient un « carton d’invitation payé par Saipem pour évincer ses adversaires et s’assurer les faveurs du ministre […] Khelil et sa protection au moment des appels d’offres ».

Tous les prévenus avaient rejeté les accusations. L’avocat de M. Bedjaoui, Marco De Luca, a affirmé que son client avait été rémunéré pour son travail d’intermédiaire auprès du gouvernement algérien, qui n’incluait en aucun cas le versement de dessous-de-table. « Il n’y a aucune preuve dans le dossier qu’un sou soit allé à un responsable public algérien », a-t-il déclaré, estimant que, sans identification d’un flux financier vers un dirigeant, le délit de corruption n’était pas caractérisé.

L’ex-ministre Chakib Khelil n’est ainsi pas prévenu dans ce dossier, très suivi en Algérie. Ce proche du président Abdelaziz Bouteflika avait été limogé lorsque le scandale avait éclaté, en 2010. Il a été un temps inquiété par la justice algérienne, qui avait émis un mandat d’arrêt international contre lui quand il se trouvait aux Etats-Unis, mais les poursuites ont été abandonnées en 2015 et il est depuis rentré en Algérie.

Dans ce dossier, la justice algérienne a quant à elle prononcé, en février 2016, huit peines de prison allant de dix-huit mois avec sursis à six ans ferme, pour la plupart assorties d’une amende. Parmi les personnes condamnées figuraient Mohamed Meziane, ancien PDG du groupe pétrolier public algérien Sonatrach, deux de ses fils et un ex-vice-président de cette société.

Parallèlement à ce dossier, ENI est jugé dans un autre procès à Milan pour corruption au Nigeria, aux côtés de Shell, et visé par une enquête similaire au Congo.