Vera Jourova, commissaire européenne aux consommateurs, à Bruxelles, le 20 septembre. / JOHN THYS / AFP

« Ma patience a atteint ses limites. » Lors d’une conférence de presse tenue jeudi 20 septembre à Bruxelles, la commissaire européenne aux consommateurs, Vera Jourova, n’a pas tenu sa langue. Elle a reproché à Facebook et Twitter de prendre trop de temps pour se conformer aux demandes de la Commission européenne, qui a exigé des deux plateformes, en février, qu’elles modifient leurs conditions générales d’utilisation pour les rendre plus claires pour les consommateurs européens.

Dans un communiqué diffusé jeudi, la Commission européenne précise que « les progrès » de Facebook n’ont depuis été que « très limités », alors même que l’entreprise a modifié ses conditions d’utilisation en mai, dans le cadre de la RGPD. Ces nouvelles conditions « contiennent une présentation trompeuse des principales caractéristiques des services de Facebook, détaille la Commission. En particulier, Facebook indique maintenant aux consommateurs que leurs données et leur contenu sont utilisés uniquement pour améliorer leur “expérience” globale et ne mentionne pas que l’entreprise utilise ces données à des fins commerciales. »

Ce coup de semonce intervient plusieurs mois après le scandale Cambridge Analytica, la société britannique accusée d’avoir collecté et exploité sans leur consentement les données personnelles de millions d’utilisateurs à des fins politiques. Ce scandale « a rappelé que peu de gens savent clairement comment Facebook utilise les données personnelles de ses utilisateurs », a insisté Mme Jourova, lors de sa conférence de presse du 20 septembre.

Elle a déclaré s’attendre à recevoir un projet de modification des conditions d’utilisation de Facebook d’ici la mi-octobre, afin qu’elles puissent être appliquées en décembre. Vera Jourova a rappelé pour l’occasion que le souhait de la Commission européenne était de voir mieux préciser aux 380 millions d’utilisateurs de Facebook en Europe quelles utilisations pouvaient être faites de leurs données personnelles, et comment les applications tierces (jeux, quiz…) pouvaient y avoir accès.

Menaces de sanctions

La commissaire a rappelé que Facebook et Twitter risquaient des sanctions s’ils ne modifiaient pas leurs conditions d’utilisation en ce sens d’ici la fin de l’année. « Bien que Facebook m’ait assuré qu’il adapterait enfin toutes les conditions de service trompeuses restantes d’ici décembre, cela dure depuis trop longtemps. (…) Si les changements ne sont pas pleinement mis en œuvre d’ici la fin de l’année, j’inviterai les autorités chargées de la protection des consommateurs à agir rapidement et à sanctionner l’entreprise, a-t-elle menacé. Si nous ne voyons pas d’amélioration, les sanctions viendront. C’est très clair. Nous ne pouvons négocier éternellement, nous avons besoin d’en voir les résultats. »

Ces sanctions, si elles sont prononcées, seraient ensuite prises au niveau des autorités nationales de protection des consommateurs. En France, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a fait suite à ces propos de la Commission européenne, dans un communiqué diffusé le 20 septembre : « Il a été précisé à Facebook que cette mise en conformité devrait être mise en œuvre avant la fin de l’année. A défaut, les actions coercitives appropriées seront engagées pour contraindre l’entreprise au respect des règles nationales et européennes de protection des consommateurs. »

La DGCCRF souligne que les modifications apportées au mois de mai par Facebook à ses conditions générales d’utilisation « ne sont pas satisfaisantes et ne respectent pas ses précédents engagements ». « Elles comportent plusieurs clauses que la DGCCRF juge insuffisamment claires, et abusives, en particulier celles relatives à la suppression unilatérale des contenus, l’utilisation des données des utilisateurs et la limitation de responsabilités de Facebook en cas d’utilisation de ces données par des tiers », détaille-t-elle.

En réponse, Facebook a fait valoir qu’il avait déjà procédé à un certain nombre de changements et qu’il continuerait à coopérer avec les autorités. « Nos conditions sont beaucoup plus claires concernant ce qui est permis et ce qui ne l’est pas sur Facebook et sur les options qu’ont les utilisateurs. Nous poursuivrons notre étroite collaboration afin de répondre à toute autre préoccupation et de faire les mises à jour qui s’imposent », a réagi Facebook auprès de l’AFP.

Airbnb se met en conformité

Lors de sa conférence de presse, Vera Jourova, a en revanche annoncé qu’Airbnb avait apporté les modifications nécessaires de ses conditions d’utilisation, après avoir fait l’objet d’une demande en ce sens de la Commission, mi-juillet.

La plateforme communautaire de location de logements de particuliers s’est notamment engagée à préciser clairement si l’offre de location présente sur son site émanait d’un hôte privé ou d’un professionnel. Airbnb s’est aussi engagé à une meilleure transparence sur le prix des réservations, et à mieux détailler la totalité des frais à régler pour réserver une location, tels que les frais de ménage à payer lorsqu’on doit quitter le logement.

Airbnb a également modifié ses conditions d’utilisation pour préciser les conditions dans lesquelles un voyageur peut se retourner ou non contre son hôte, en cas de problèmes (blessures, objets cassés…) survenus pendant la location. Airbnb a promis d’appliquer ces modifications des termes de service dans toutes les langues officielles de l’espace économique européen d’ici la fin décembre.