Pierre Moscovici, le commissaire européen aux affaires économiques et financières, lors d’une conférence de presse sur le budget de l’Union européenne, à Bruxelles, le 31 mai. / EMMANUEL DUNAND / AFP

Selon une étude réalisée par la Commission européenne, et publiée vendredi 21 septembre, l’Union européenne a perdu encore 147 milliards d’euros de recettes de TVA (taxe sur la valeur ajoutée) en 2016. L’occasion pour le commissaire à l’économie et à la fiscalité, Pierre Moscovici, d’envoyer un message d’urgence aux capitales.

« La solution est sur la table des ministres des finances depuis bientôt un an : notre proposition de régime définitif de TVA. Je les appelle à s’en saisir et à avancer. En améliorant la coopération et en développant la confiance entre administrations fiscales, il est possible de rendre rapidement aux trésors publics des recettes dont ils ont besoin. »

Car comme le souligne l’ex-ministre français des finances, « la TVA est la première ressource budgétaire des Etats membres. Ce manque à gagner, ce sont donc des écoles, des hôpitaux et des infrastructures qu’on ne construit pas en Europe ! »

Problèmes de collectes

La perte ou « écart de TVA » correspond à la différence entre les recettes de TVA attendues et le montant effectivement perçu. Un écart dû aux problèmes de collectes rencontrés dans les Etats membres (des déficiences administratives). Mais aussi à la fraude, encore massive – autour de 50 milliards d’euros de manque à gagner pour les fiscs nationaux en 2016 –, notamment celle liée à la collecte de la TVA transfrontalière.

Selon l’étude, l’écart de TVA a quand même un peu diminué en 2016 par rapport à 2015, de 10,5 milliards d’euros. Il s’est réduit dans 22 Etats membres, notamment en Bulgarie, Lettonie, à Chypre ou aux Pays-Bas. Mais il a augmenté dans six autres : la Roumanie, la Finlande, le Royaume-Uni, l’Irlande, l’Estonie et la France.

La Commission Juncker a proposé une ambitieuse réforme de la TVA, dont une proposition sur la table en octobre 2017, visant à corriger les faiblesses de la TVA transfrontalière, en modernisant un régime prévalant depuis le début des années 1990.

Règle de l’unanimité

L’idée de la Commission est d’exiger que la TVA soit prélevée systématiquement lors des transactions transfrontalières, selon un système de guichet unique : un portail en ligne où les entreprises qui achètent ou vendent les produits depuis ou vers un autre pays de l’Union effectueraient leurs déclarations. En vertu d’un principe de « destination », le montant de la TVA serait versé au pays du consommateur final, selon le taux qu’il applique. Chaque Etat reverserait ensuite la TVA due aux autres Etats membres.

L’examen de ce projet a certes commencé au Conseil (les Etats membres), mais n’a toujours pas abouti. Or la Commission Juncker touche à sa fin : alors que les élections européennes de mai 2019 se profilent, il ne reste guère plus que six mois utiles pour faire adopter des textes européens.

Un accord a été obtenu au conseil fin juin pour améliorer la coopération et l’échange d’informations entre administrations des Etats membres, mais les capitales buttent encore sur la TVA transfrontalière. Elle pâtit comme toutes les réformes portant sur la fiscalité, de la règle de l’unanimité, très compliquée à atteindre dans l’Union – encore – à vingt-huit.

A cet égard, M. Moscovici a assuré vendredi « réfléchir » à une proposition pour passer à la majorité qualifiée au Conseil, qui « permettrait d’avancer plus vite et d’éviter que l’inertie ou la volonté de quelques-uns n’entrave celle du plus grand nombre ». Un slogan de campagne pour les Européennes ? Jusqu’à présent en tout cas, les capitales ont très jalousement campé sur cette règle de l’unanimité, estimant que la fiscalité est une des clés de leur souveraineté.