Donald Trump, lors de son discours devant l’Assemblée générale de l’ONU, le 19 septembre 2017. / Richard Drew / AP

Editorial du « Monde ». Chaque année, au mois de septembre, avec l’Assemblée générale annuelle, le siège de l’ONU à New York devient le centre névralgique de la diplomatie mondiale. Du 23 au 29 septembre se succéderont à la tribune 95 chefs d’Etat ou de gouvernement, soit près de la moitié des 193 Etats membres ainsi représentés au plus haut niveau. Il y aura, certes, de grands absents, dont le président russe, Vladimir Poutine, ou son homologue chinois, Xi Jinping. Jamais, pourtant, ils n’ont été aussi nombreux au bord de l’Hudson, comme pour mieux témoigner de l’importance qu’une grande partie de la communauté internationale accorde à un multilatéralisme toujours plus menacé.

Selon les mots du chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, ce sont désormais « les fondements mêmes de l’action diplomatique » qui sont remis en cause. L’on a connu le monde bipolaire de la guerre froide, fondé sur l’équilibre de la terreur entre les Etats-Unis et l’URSS. Puis le monde unipolaire dominé par l’hyperpuissance américaine après la chute du mur de Berlin.

La montée des émergents, notamment celle de la Chine, crée un monde multipolaire, voire apolaire, instable et cahoteux. Seuls le droit et le respect des traités pourraient en être les régulateurs. Or de nombreuses puissances, à commencer par la première d’entre elles, les Etats-Unis, bafouent ouvertement ces règles. A l’heure des « fake news », des « vérités alternatives » et de la manipulation des données, il n’y a souvent même plus de diagnostic partagé possible.

Le système mis en place après la seconde guerre mondiale avec l’ONU et les diverses institutions qui en dépendent est aujourd’hui ébranlé par le pays qui en fut le pilier et le principal contributeur : les Etats-unis. Depuis dix-huit mois, Donald Trump a claqué la porte d’organisations comme l’Unesco, dénoncé des traités commerciaux et quitté des accords internationaux stratégiques, comme celui mettant sous contrôle le nucléaire iranien ou celui de Paris sur le climat. Même si ses critiques ne sont pas toujours infondées, l’administration Trump ne connaît qu’un seul mot d’ordre : « America first ».

« Multilatéralisme fort »

Il y a un an, à New York, devant l’Assemblée générale, Emmanuel Macron avait rappelé haut et fort que « nous sommes irrémédiablement liés les uns aux autres dans une communauté de destin », se faisant le héraut d’une gouvernance globale centrée sur le social et le développement. Ses mots avaient d’autant plus de poids qu’ils venaient juste après le discours de son homologue américain, chantre d’un unilatéralisme assumé.

Alors que les partisans du repli, y compris au sein de l’Union européenne, ne cessent de se renforcer, la France, qui prendra en janvier la présidence du G7, se veut porteuse d’un « multilatéralisme fort ». Elle multiplie les initiatives, comme celle d’une nouvelle édition du One Planet Summit, le 26 septembre, ainsi que du Forum sur la paix auquel 80 pays sont invités le 11 novembre, pour le 100e anniversaire de la fin de la première guerre mondiale. Paris veut aussi réunir les puissances intermédiaires, les pays de bonne volonté partageant sa démarche.

Sérieusement érodée en France, l’image d’Emmanuel Macron reste forte à l’étranger. Face à un Trump toujours plus imprévisible, une Theresa May engluée dans le Brexit, une Angela Merkel affaiblie, le président français reste, par contraste, le leader occidental le plus audible. Mais, faute de relais et d’alliés, il risque de devoir se contenter de mots.