Jeremy Corbyn saluant la foule lors d’un meeting à la veille de l’ouverture du congrès du Parti travailliste, le 22 septembre à Liverpool. / PAUL ELLIS / AFP

Ambiguïté vis-à-vis du Brexit, antisémitisme, rassemblement des militants : autant de questions qui vont rythmer le congrès du Parti travailliste qui se réunit à partir de dimanche 23 septembre à Liverpool (nord-ouest de l’Angleterre). Jusqu’à présent, le chef du principal parti d’opposition britannique, Jeremy Corbyn, qui ne porte pas particulièrement l’Union européenne (UE) dans son cœur et a mollement fait campagne pour s’y maintenir lors du référendum de juin 2016, a évité le sujet sensible du Brexit, sur lequel il aimerait voir la première ministre conservatrice Theresa May se casser les dents.

Mais à six mois du départ du Royaume-Uni de l’UE, la confédération syndicale TUC et des poids lourds du parti comme le maire de Londres Sadiq Khan militent en faveur d’un second référendum afin que la population britannique ait le dernier mot sur l’accord final négocié entre Londres et Bruxelles.

Militants pro-européens devant le centre de conférence où se tient la réunion annuelle du Parti travailliste, à Liverpool, le 22 septembre. / HANNAH MCKAY / REUTERS

Plus d’une centaine d’antennes locales du parti ont demandé que soit votée une motion en ce sens lors du rassemblement annuel du parti. « Le Brexit va être le grand sujet du congrès », dit à l’Agence France-presse (AFP) Steven Fielding, professeur d’histoire politique à l’université de Nottingham, et un sujet « des plus délicats ». Une manifestation en faveur de l’organisation d’un « vote populaire » est d’ailleurs prévue dimanche à Liverpool, au premier jour du congrès, accentuant la pression sur le patron des travaillistes.

Déchiré sur la question de l’antisémitisme

Lors des dernières élections législatives, Jeremy Corbyn avait axé sa campagne sur la politique intérieure, notamment les questions économiques et sociales, une tactique qui s’était révélée payante et qu’il a poursuivie par la suite.

Tim Bale, professeur à l’Université Queen Mary de Londres pense cependant que la direction du parti préférera ne pas sortir du bois. « D’abord parce qu’elle ne sait pas vraiment où va le Brexit et donc veut conserver une marge de manœuvre et ensuite parce qu’elle s’inquiète beaucoup de la réaction de l’électorat si le parti prenait une position plus pro-européenne », explique-t-il à l’AFP.

Divisé sur le Brexit, le Labour s’est aussi déchiré ces derniers mois sur la question de l’antisémitisme. La crise a été alimentée par la réticence du parti à adopter la définition complète de l’antisémitisme de l’International Holocaust Remembrance Alliance, par crainte que cela l’empêche de critiquer la politique israélienne.

Jeremy Corbyn a reconnu en août que sa formation avait un « réel problème » d’antisémitisme et assuré que sa priorité était de « restaurer la confiance » avec la communauté juive. Le parti a finalement adopté la définition dans son ensemble et espère avoir ainsi tourné la page sur cet épisode. Mais pour Anand Menon, professeur de politique européenne au King’s College de Londres, « s’ils veulent que la conférence réussisse, ils vont devoir s’attaquer à la question de l’antisémitisme, et ne pas prétendre qu’ils l’ont déjà réglée ».

Rassembler pour éviter les dissensions

Si cette crise ne semble pas avoir affecté la popularité du Labour, toujours au coude-à-coude avec le Parti conservateur dans les sondages, « cela a amené certains députés travaillistes à remettre en question sa direction », souligne Anand Menon. « Il y a toujours beaucoup de ressentiment, d’amertume qui ne se dissiperont pas facilement », ajoute Steven Fielding.

Jeremy Corbyn a donc plus que jamais pour mission de rassembler ses troupes, d’autant qu’un projet au sein du parti risque de fâcher une partie des députés travaillistes. Il prévoit que les parlementaires souhaitant se représenter aux élections se soumettent au vote des militants.

Une procédure soutenue par Momentum, le puissant groupe de militants pro-Corbyn, qui vante son caractère démocratique et espère un renouvellement générationnel. Les opposants au projet craignent, eux, de possibles purges. Le risque est que des députés évincés « décident de former leur propre parti », relève Steven Fielding. « Dans ce cas, cela pourrait empêcher le Labour de gagner la prochaine élection et Jeremy Corbyn d’accéder au pouvoir. C’est donc une question très importante. »