La chancelière allemande, Angela Merkel, et Volker Kauder, ex-président du groupe CDU-CSU au Bundestag, le 19 septembre à Immendingen (Allemagne). / Arnd Wiegmann / REUTERS

C’est un coup dur pour Angela Merkel, et un désaveu d’autant plus sévère qu’il a surpris la plupart des observateurs. Fidèle parmi les fidèles de la chancelière allemande, Volker Kauder n’a pas été reconduit, mardi 25 septembre, à la tête du groupe CDU-CSU du Bundestag. Contre toute attente, les députés conservateurs lui ont préféré Ralph Brinkhaus, député de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, qui l’a emporté par 125 voix contre 112.

Elu du Bade-Wurtemberg, M. Kauder avait succédé à Mme Merkel à la tête du groupe CDU-CSU quand cette dernière fut élue chancelière, en 2005. Depuis, il était resté son homme de confiance, jouissant d’une autorité incontestée sur un groupe qui le reconduisit plusieurs fois à sa tête avec des scores dépassant les 90 % des voix.

Après les élections législatives du 24 septembre 2017, marquées par un recul sans précédent de la CDU-CSU dans les urnes (33 % des voix, contre 41,5 % en 2013), sa réélection avait été toutefois plus difficile, puisque seuls 77 % des députés conservateurs votèrent en sa faveur. A l’époque, ce résultat fut interprété comme un avertissement adressé à Mme Merkel, le symptôme d’un vent de fronde sans précédent au sein du groupe.

Un an et un jour après les législatives de 2017, voilà donc M. Kauder battu. Pour la première fois depuis 1973, le président sortant du groupe CDU-CSU avait un candidat en face de lui. Et c’est donc celui-ci qui a été élu, et ce alors même que les présidents des deux partis de l’alliance conservatrice, Angela Merkel pour la CDU, et Horst Seehofer pour la CSU, son alliée bavaroise, s’étaient prononcés pour la reconduction de M. Kauder avant le vote.

« C’est une révolte contre Merkel »

Dès l’annonce du résultat, mardi après-midi, les commentaires ont été unanimes. « C’est une révolte contre Merkel », a tweeté Thomas Oppermann, vice-président du Bundestag et membre du Parti social-démocrate (SPD), allié de la CDU-CSU au sein de la « grande coalition » au pouvoir à Berlin. « L’autorité de la chancelière dans son propre groupe est détruite », a réagi Alexander Graf Lambsdorff, vice-président du groupe libéral-démocrate (FDP). Même tonalité au sein du parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) : « Félicitations à nos collègues conservateurs. Un pas dans la bonne direction. Merkel doit suivre », s’est réjouie Alice Weidel, coprésidente du groupe AfD au Bundestag.

Agé de 50 ans, dix-neuf de moins que M. Kauder, M. Brinkhaus n’incarne pas une ligne politique particulièrement différente de celle de son prédécesseur. Jusque-là vice-président du groupe, il n’a cependant jamais caché sa préoccupation de voir les conservateurs s’adresser aux « électeurs protestataires », autrement dit à tous ceux qui, ces dernières années, se sont détournés de la CDU de Mme Merkel pour, parfois, voter en faveur de l’AfD. Spécialiste des questions budgétaires, M. Brinkhaus est également connu pour être un défenseur des positions orthodoxes de la droite conservatrice allemande sur les questions financières. Au printemps, il n’a ainsi pas fait mystère de son opposition à deux propositions phares d’Emmanuel Macron : la nomination d’un ministre des finances et la création d’un budget spécifique pour la zone euro.

« Ce dont nous avons besoin, c’est d’action »

En l’élisant à leur tête, les députés conservateurs ont donc sans doute moins condamné une ligne politique qu’ils n’ont exprimé leur mécontentement à l’égard des dirigeants de la CDU et de la CSU, Mme Merkel et M. Seehofer, dont les passes d’armes répétées au gouvernement, l’une depuis la chancellerie, l’autre depuis le ministère de l’intérieur, ont monopolisé le débat politique depuis des semaines, et notamment ces derniers jours, à l’occasion de l’interminable feuilleton qui a conduit au remplacement de Hans-Georg Maassen à la tête de l’Office fédéral de protection de la Constitution (BfV), mettant la coalition au bord de l’explosion six mois seulement après la nomination du gouvernement.

Tout en assurant avant le vote que sa candidature n’était pas dirigée contre la chancelière, M. Brinkhaus avait justifié celle-ci en des termes qui ne laissaient aucun doute sur sa volonté d’incarner une forme d’autonomie vis-à-vis d’elle. « Ce dont nous avons besoin, c’est d’action, il faut une forme de sursaut vis-à-vis de l’extérieur ainsi qu’à la base du parti », avait-il expliqué à ses collègues. Une profession de foi qui sonnait comme une critique en règle de Mme Merkel et de M. Kauder, souvent accusés de gérer le groupe et le parti avec la volonté d’y étouffer les débats et les contradictions.

Après le vote, Mme Merkel a brièvement réagi. Affichant un sourire de circonstance face aux caméras, la chancelière a reconnu qu’il s’agissait bel et bien d’une « défaite », et qu’il n’y avait en cela « rien à enjoliver ». Indiquant qu’elle aurait « souhaité » que M. Kauder reste président du groupe, elle a simplement ajouté qu’il s’agissait là d’un « moment de démocratie dont font partie les défaites ».